Chers Amis Libres Penseurs et Libres Penseuses,

Je suis honorée et heureuse d’être aujourd’hui à Oslo parmi les fondateurs et fondatrices de l’Association Internationale de la Libre Pensée. Mon mandat m’a été confié par plusieurs organisations polonaises, dont l’Association Polonaise des Rationalistes, l’Association des Libres Penseurs de K. Lyszczynski et l’Association Polonaise des Athées qui ont toutes approuvé le projet du Manifeste de la Liberté de Conscience à l’unanimité. C’est un signe très encourageant qui prouve que les idées contenues dans le Manifeste sont puissantes et capables de rassembler autour d’elles un mouvement dispersé et désuni jusqu’alors dans mon pays. Elles ont également pu rassembler dans cette salle des libres penseurs venus de plusieurs pays du monde. Il était grand temps face à l’offensive sans précédent de la part des fondamentalismes religieux de tous bords.

Parmi ces idées qui nous unissent, l’une est centrale et c’est par elle que commence le Manifeste : L’humanité est née libre.

Nina SANKARI

Le droit de penser librement, la liberté de conscience est la condition première de toutes autres libertés, de tous autres droits humains, même les plus fondamentaux. L’homme peut souffrir de la faim et rester toujours un être humain. L’homme dépourvu de conscience devient un animal. La liberté de conscience suppose le libre examen de chaque idée, la pensée critique envers toute vérité établie, le rejet de tout dogme, en commençant par le dogme religieux qui nourrit l’obscurantisme et le fanatisme.

On aurait pu penser que le Siècle des Lumières avec les siècles qui l’ont suivi avec les succès formidables de la science aient écrasé l’infâme et ses guerres de religions, sa haine du progrès et de la liberté. Mais nous constatons hélas ! qu’au 21e siècle le son des clochers et les chants des muezzins ou cantors continuent leurs efforts pour assourdir la voix de la libre conscience. En fait, ils ne font qu’accompagner un bruit beaucoup plus discret : la susurrassions des billets de banque. Parce que, contrairement aux déclarations, c’est les intérêts des riches que les institutions religieuses ont représenté depuis des siècles. Aujourd’hui, il n’en est pas autrement. Ce n’est pas le hasard si sous le règne du dogme néolibéral, les forces politiques conservatrices s’allient aux églises pour protéger les intérêts du capital. Si l’humanité veut poursuivre son chemin vers la liberté, elle doit faire face à la sacro-sainte alliance tripartite du trône, de l’autel et de la bourse.

La nature n’a créé ni titres, ni religions, ni Églises, ni censure, ni propriété. Dieux, Eglises, superstitions, dogmes sont des créations humaines et rien d’autre. Ce que l’Humanité a fait, elle peut le défaire.

Je représente ici aussi les féministes, en tout cas cette partie de ce mouvement, qui dénonce ouvertement et fermement l’oppression et la discrimination des femmes par les religions. Misogynes et patriarcales, les religions privent les femmes de leurs libertés fondamentales dont le droit de la femme de disposer librement de son propre corps ou n’accordent aux femmes le statut d’un être humain qu’a moitié. Ce n’est ni le lieu ni le moment pour présenter la lutte, toujours inachevée, des femmes pour leur liberté, leur émancipation et leur statut égal à celui de l’homme. Mais il serait tout de même bien utile de rappeler que les femmes ont souvent participé en masse dans les mouvements de libération pour se voir ensuite renvoyées derrière les fourneaux ; on pourrait nommer ici aussi bien la Révolution Française que beaucoup d’autres révolutions et mouvements, par exemple en Algérie, en Iran ou en Pologne. Sans assurer la liberté de la moitié de l’humanité, nous ne saurions pas songer à l’humanité libre. Je dirais donc L’humanité -– hommes et femmes — est née libre.

Je viens de Pologne, le leader indiscutable dans le domaine de la cléricalisation de la vie, qui en 20 ans a réussi à échanger un athéisme d’état contre un état confessionnel. La Pologne crucifiée aujourd’hui, de la croix parlementaire jusqu’à la croix dans la crèche, avec l’interdiction de l’IVG, le délit d’atteinte aux sentiments religieux, la catéchèse à l’école et l’Eglise étant le plus grand propriétaire foncier – cela prouve que l’athéisme et encore moins la libre pensée ne peuvent être imposés par la force politique. La seule force qui peut le faire est celle de la Raison. La liberté de conscience comme toute liberté peut se réclamer dans la rue mais elle naît dans la tête. C’est dans la tête des gens que la Raison peut vaincre l’ignorance, que la science peut vaincre l’obscurantisme, que le libre examen peut vaincre le dogme. C’est dans la tête qu’il faut gagner la bataille pour la liberté de conscience comme condition première à l’émancipation humaine.

Toujours plus de conscience, plus de lumière !