Association libanaise de philosophie du droit
13 avril 2012
L’Association libanaise de philosophie du droit et l’Association Internationale de la Libre Pensée organisent un colloque sur le thème “Religion, laïcité et État de droit”. Le but de ce colloque : discuter et établir des recherches approfondies analysant le thème de la laïcité et la relation entre religion et politique dans l’État de droit que nous voulons pour le Liban. Nous pensons que la problématique de la laïcité doit acquérir une importance particulière dans le monde arabe, en particulier dans cette étape du printemps arabe. Le caractère religieux des régimes politiques arabes peut constituer un obstacle sur le chemin de la séparation entre les religions et l’État.
Nous sentons aujourd’hui de nouveaux vents : des partis arabes religieux (musulmans) commencent à concevoir la laïcité dans une certaine mesure (Égypte). Signalons en passant l’exemple éloquent de la Turquie. Ces partis religieux adoptent une nouvelle approche et annoncent leur respect de la liberté de conscience et d’expression de l’autre (Égypte, Tunisie).
Depuis des siècles, le Liban vit des crises à caractère religieux ou politico-religieux ou politiques avec façade religieuse. Une guerre fratricide atroce a frappé le Liban une quinzaine d’années durant (de 1975 à 1990) et l’appartenance religieuse était un de ses axes majeurs. Nous pensons que la laïcité représente l’une des solutions à la crise politique libanaise parce qu’elle assainit la relation entre le citoyen et la nation et permet l’égalité des droits pour tous. Le citoyen appartiendra à son pays, à sa patrie, à sa République et non à sa confession.
N’est-il pas déraisonnable que les tribunaux religieux (au nombre de 21 au Liban correspondant à 21 confessions officielles) décident du sort des gens pour tout ce qui concerne le mariage, le divorce, la filiation, l’héritage, la pension, etc… N’est-ce pas là une source de division, de dissensions et de conflits ? Est-il concevable que le juge libanais applique les effets du mariage civil contracté à Chypre ou en France, alors que les libanais ne peuvent contracter un mariage civil dans leur pays ? Même les athées libanais sont obligés de se comporter confessionnellement parfois par crainte du fanatisme de l’autre, surtout lorsque l’autre représente une majorité quantitative.
La suppression du confessionnalisme politique, c’est-à-dire la suppression de la confession comme critère d’accès à la fonction publique, est proposée aujourd’hui au Liban. Cependant certains posent la question : comment accepter le projet de suppression du confessionnalisme politique proposé par celui qui refuse catégoriquement l’institution d’un mariage civil optionnel ? Ceux-là à vrai dire ne recherchent que leurs petits intérêts et ne seraient peut-être pas opposés à l’instauration d’un pouvoir carrément religieux. C’est pourquoi une grande partie des laïques, musulmans, chrétiens ou athées proposent soit la laïcité totale, soit l’attente de jours meilleurs. Certains proposent le passage à la laïcité par étapes (Georges Hawi).
L’Association libanaise de philosophie du droit pense que la laïcité est un passage indispensable vers un État de droit, vers l’unité nationale et pour éviter l’avènement du projet fédéral, voire la partition du pays. Certains se contentent de proposer l‘idée courageuse d’instaurer une société civile qui privilégie le rapport citoyen-État, au détriment du rapport citoyen-confession, porte ouverte à la laïcité (Moussa Sadr).
Pourquoi après des périodes relativement calmes les fondamentalismes religieux réapparaissent-ils de nouveau avec des propositions parfois plus rétrogrades ? Dans quelle mesure peut-on comprendre et justifier la naissance et le développement de ces fondamentalismes par le caractère répressif des régimes politiques (Mohamed Watfa) ?
La sécularisation de la société est réelle en Europe de l’Ouest, et la France a séparé les Églises et l’État en 1905. Malgré ce fait les libres penseurs français ne sont pas satisfaits, car ils estiment que de multiples violations sont commises en France contre le principe de la séparation entre les Églises et l’État. Ils dénoncent également le caractère clérical de l’Union européenne.
Ce colloque, nous l’espérons, permettra d’écouter, de confronter les analyses des uns et des autres et de discuter de toutes ces problématiques. Signalons que les luttes de la Libre Pensée française ont permis des avancées jurisprudentielles en France dans le sens du respect du principe de la laïcité. Nous remercions nos amis de la Libre Pensée française et de l’Association Internationale de la Libre Pensée d’être venus de loin pour enrichir notre colloque.