Discours d’ouverture de Marc BLONDEL
Président de la Fédération nationale de la Libre Pensée française
mercredi 8 février 2012
Mesdames et Messieurs,
Citoyens, citoyennes, camarades et amis,
Brothers et sisters, compagneros et compagneras,
Il m’appartient en ma qualité de Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée française qui se veut à l’origine de cette réunion, de présider nos travaux, j’ai conscience de la responsabilité qui m’échoit et de la confiance dont m’honorent mes camarades.
Je veux, en prélude au travail en commun que nous allons réaliser, saluer avant toute chose et marquer notre solidarité avec le peuple et l’association des laïques norvégiens devant la terrible épreuve qu’ils subissent ; que le comportement d’un individu soit dicté par un engagement politique fascisant ou qu’il soit l’oeuvre d’un dément, il reste que des familles pleurent leurs disparus et qu’il est ainsi démontré que la démocratie et la liberté peuvent être utilisées à des fins délirantes, raison de plus pour militer pour la généralisation de la liberté de conscience et la raison.
Mesdames, Messieurs, en respect pour les disparus, je vous propose une minute de silence…
Je désire ensuite remercier les autorités norvégiennes que nous avons consultées avant cette réunion, et pour leur volonté de ne pas céder aux pressions sécuritaires et d’avoir accepté, sans modification tangible, que l’IHEU et nous puissions tenir congrès. Et, enfin, je tiens à remercier et assurer l’IHEU de notre reconnaissance pour les facilités qu’elle nous a accordées pour tenir réunion parallèlement à sa propre organisation.
Cela me conduit à préciser un élément de notre réflexion, nous ambitionnons de créer une association internationale de la libre pensée qui serait partie de l’IHEU. Il ne s’agit nullement, je tiens officiellement à le préciser, de concurrencer l’IHEU ni d’organiser, de manière interne, un courant dont l’objectif, avoué ou non, serait de contrôler le comportement de la ligne générale de l’IHEU, ce qui me conduit à faire un peu d’histoire –pour certains ce sera répétition, pour d’autres découvertes et informations-.
Il est utile de rappeler que la pensée libre existe depuis très longtemps, on peut par exemple estimer que les septiques grecs étaient les précurseurs de celle-ci. En fait la pensée libre, je ne dis pas le mouvement, mais le fait de penser en toute liberté, est à l’origine de la raison, bien avant que les religions monothéistes que nous connaissons et combattons aujourd’hui dans mon pays pour leur obscurantisme et leur dogmatisme. Celles-ci ont freiné et freinent encore la recherche, l’analyse et la réflexion.
La libre pensée organisée comme mouvement, date des évènements de 1848 et la constitution internationale de la libre pensée de 1880.
Et c’est en septembre 1904 qu’un congrès a réuni plus de 3000 participants, répertoriés comme libres penseurs, athées et autres esprits libres qui venaient de plus de 30 pays de tous les continents. Les débats furent passionnés, enthousiastes, fructueux, de nombreux élus du peuple étaient présents et ont participé aux travaux, les discussions ont porté sur la séparation des Eglises et de l’Etat et sur le rôle de la science dans la société.
Mais, le résultat le plus probant et le plus conceptuel a été le vote d’un texte définissant ce qu’était la libre pensée, exercice des plus difficiles s’agissant de contester les vérités révélées et les dogmes sans pour autant dicter la conduite des individus, développer l’esprit critique et l’analyse tout en respectant la pensée des autres, le respect mutuel.
Dès l’année suivante, en 1905, un congrès se tenait à Paris, il fut parallèle, en France, à l’adoption de la loi du 9 décembre 1905 qui dans le droit fil de la séparation des Eglises et de l’Etat, proclamait comme principe constitutionnel, que la République assurait la liberté de conscience, c’est-à-dire l’égalité des droits des citoyens.
L’histoire, l’engagement, notamment des classes laborieuses, dans les différents conflits mondiaux, l’évolution, notamment de la colonisation, le repli identitaire, notamment sur le plan national, ont fait négliger cet aspect relationnel et de fraternité entre les pays.
Les prévisions de convergence, souhaitées par nos anciens, garantie de pacifisme, de respect et de compréhension ont, de ce fait, été négligées.
Néanmoins, en 2001, un manifeste a été publié et signé par les organisations athées et libres penseuses des deux côtés de l’Atlantique.
C’est en 2005, lors du congrès de l’IHEU à Paris, qu’un congrès s’est réuni et crée un comité de liaison international des athées et libres penseurs. Libres penseurs et libres penseuses de 23 pays ont ainsi renoué avec les congrès de 1904 et 1905 et jeté les bases d’un regroupement international d’autant plus indispensable que, sur le plan économique voire politique, la mondialisation était en marche et le risque de tensions et conflits nullement écarté.
Ce CILALP s’est réuni plusieurs fois, à l’occasion de réunions de l’IHEU. En effet, le CILALP considère que l’IHEU a vocation à regrouper tous les humanistes, dont les athées et les libres penseurs, qui se considèrent comme l’aile la plus déterminée.
Les libres penseurs sont pour l’égalité des droits pour tous les citoyens dans chaque pays, par définition cela condamne le communautarisme car là où la société est divisée en communautés, les droits sont différents entre communauté et avec ceux qui ne se reconnaissent dans aucune de celles-ci.
La séparation des Eglises et de l’Etat est la condition nécessaire à la liberté de conscience et l’égalité des droits des citoyens, cela sous entend l’éradication de tout endoctrinement religieux ou idéologique dans l’enseignement public et, conjointement, le refus de financements publics pour l’enseignement de l’athéisme et, bien entendu, des dogmes religieux.
En conclusion, en héritiers des congrès mondiaux précités, les libres penseurs ne revendiquent pas strictement le droit d’être athée ou libre penseur, mais l’émancipation de l’humanité de toute oppression, religieuse, politique, économique, militaire ou raciale.
Notre objectif n’est pas d’obtenir une place pour les libres penseurs et les athées, mais surtout de changer la société de ses oppressions. Ils ne forment cependant pas un parti politique et n’ont pas, collectivement, de forme de société à proposer même si, individuellement, ils peuvent avoir leurs propres engagements.
Aussi aujourd’hui, nous souhaitons réunir les athées et libres penseurs sur l’ensemble du monde et nous informer réciproquement de la situation sur le terrain, de la liberté de conscience et de la séparation des Eglises et des Etats, des Amériques du Nord et du Sud, de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie. A ce sujet, différentes contributions seront exposées.
Nous avons proposé et consulterons les participants sur un projet de manifeste pour la liberté de conscience qui a déjà reçu un nombre important de ratification d’hommes et de femmes libres qui, ce faisant, entendent s’engager publiquement dans notre action collective.
Nos échanges permettront de clarifier nos objectifs et lanceront officiellement l’Association Internationale de la Libre Pensée et fixeront nos relations et de coopération ave les autres organisations internationales, dont l’IHEU, et sa forme juridique.
Nous adopterons enfin les dispositions administratives nécessaires à un fonctionnement régulier : statuts – responsables.
Vous noterez que nous avons fait un effort d’information, une grande partie des interventions prévues ont fait l’objet de traduction en français, anglais, espagnol. Le texte du manifeste est, lui aussi, publié dans différentes langues.
Je vous demande de mettre à profit les éventuels temps de liberté pour prendre connaissance de ces textes, l’interprétation simultanée n’ayant pas été possible, pour des raisons financières.
Nous avons bien du travail, notre agenda est chargé et nous ne bénéficions que d’une journée.
Bien entendu je m’efforcerai d’accéder à vos désirs de demande de parole, mais je m’autorise déjà, notamment à mes camarades français, de vous demander de ne pas abuser, l’important reste l’échange d’informations et, sur ce point il m’appartient de préciser, qu’en France, nonobstant la séparation des Eglises et de l’Etat, la loi de 1905, nous sommes dans l’obligation, journellement, de combattre l’intrusion des Eglises dans le monde politique et dans la gestion de l’Etat.
J’ai d’ailleurs, au nom de la libre pensée, interpellé par écrit le Président de la République, Monsieur Sarkozy, sur cette question et malgré la période électorale, il n’a pas, pour l’instant, daigné répondre.
Vous avouerais-je que j’attends le manifeste sur la liberté de conscience pour renouveler ma sollicitation qui vaudra mise au point.