Un conseiller d’une autorité locale d’une petite ville de bord de mer s’est plaint auprès de nous du

fait que des prières étaient à l’ordre du jour des réunions du conseil municipal. Il estimait que ce n’était pas approprié, trouvant qu’il était à la fois inconfortable et choquant d’assister aux prières de ses collègues invoquant un pouvoir supérieur pour guider les délibérations du Conseil. La seule alternative possible mais tout aussi inconfortable était de quitter la Chambre, sans invitation de la présidence, pendant le déroulement de ces prières. A sa connaissance des candidats potentiels au poste de conseiller se sont découragés et cela aboutit à transformer cette structure en une clique chrétienne vieillissante, de moins en moins représentative de la population qu’elle est censée servir.

Keith Porteous WOOD

Cette protestation était sur le point de passer inaperçue, comme une plainte individuelle parmi d’autres sans implications nationales apparentes. Mais cela a attiré mon attention et j’ai commencé à chercher si de telles prières lors des Conseils constituaient un phénomène répandu. Nous avons demandé à nos adhérents et sympathisants de réaliser une étude au plan national. Et à notre étonnement, il est apparu que la majorité des conseils, à tous les niveaux, effectuent ce genre de prières.

Nos juristes sont convaincus que cette pratique est illégale. Nous soutenons que c’est une violation du Human Rights Act, que cela constitue une discrimination religieuse illégale et que le fait de conduire des prières ne rentre pas dans les attributions d’un Conseil.

Toutes nos tentatives pour convaincre le Conseil d’écarter ces pratiques ont été soit ignorées soit repoussées. Et ceci en dépit du fait qu’on leur ait préalablement notifié qu’une telle pratique était discutable sur le plan légal.

La direction de la NSS a estimé qu’il s’agissait là d’une importante question de principes. L’exercice des responsabilités publiques est bien le dernier endroit où la religion doit s’immiscer.

C’est pour cette raison que nous avons demandé à la Haute Cour de prendre en considération cette question.

Cela nous a valu une publicité bénéfique au plan national mais nos opposants ont affirmé que nous harcelions un petit Conseil. Et à cette occasion la presse nous a présentés – excusez s’il vous plaît la référence biblique – comme le Goliath. Mais cet argument ne tient plus. Les Chrétiens se sont ralliés au Conseil et ont obtenu des assurances par rapport aux coûts de la procédure, dont nous pensons qu’ils ont été en fin de compte pris en charge par le très riche Christian Institute.

Enhardis par leurs nouveaux soutiens, les conseillers de cette localité de bord de mer dénommée Bideford, ont décidé non pas de reconsidérer et de stopper les prières mais au contraire de nous attaquer en justice. La défense a minimisé la nuisance et l’inconfort que les prières représentaient à l’égard des conseillers qui ne souhaitaient pas s’y soumettre. La pierre angulaire de leur argumentation était de dire que la décision de conserver les prières avait été prise démocratiquement par le conseil, et que nous étions tout simplement de mauvais perdants. Cet argument omet tout simplement, de manière commode, de dire que le Conseil doit respecter la loi et que le fait qu’une majorité décide quelque chose d’illégal, ne rend pas pour autant cette chose légale.

L’une des lignes de défense les plus imaginatives de nos opposants constitue à dire que les prières contribuent à « promouvoir le bien-être » et « le sens de la communauté et de la cohésion sociale ». Et ils persistent dans cette affirmation malgré le fait que cette âpre dispute de longue date à propos des prières montre bien qu’il n’en est rien. Des votes ont montré que le Conseil était très sérieusement partagé sur ce sujet et que notre Conseiller n’était pas le seul à vouloir que cela s’arrête. Les partisans de la prière ont même rejeté une « offre de paix » de la part de « notre » conseiller proposant à la place une minute de silence.

C’est peut-être parce que nous n’avons jamais eu de révolution « totale » que le Royaume-Uni est la seule démocratie de l’Ouest à autoriser des membres du clergé à siéger au Parlement. Et je pense que c’est pour cela qu’il y a encore des prières au début de chaque session parlementaire.

C’est d’autant plus pertinent que nos opposants mentionnent la prière au Parlement dans leur témoignage. Même si je pense qu’ils réalisent que ce n’est pas un argument convaincant au plan légal. Le Parlement n’est pas soumis à la même législation que les autorités locales. Cela fait 750 ans qu’il y a des prières au Parlement – bien avant que les conventions modernes sur les Droits de l’Homme soient établies, conventions dont nous pensons qu’elles ne sont pas respectées.

La référence faite par nos opposants à ces prières au Parlement est plus probablement une tentative de culpabiliser les juges, par rapport au fait qu’en prenant parti sur des sujets sensibles, prendre une décision en notre faveur pourrait mettre en branle un processus pour en finir avec les traditions, y compris celle de la question de l’Etablissement de l’Église d’Angleterre, tant choyée par les Chrétiens.

La Haute Cour a autorisé l’instruction de l’affaire et nous attendons la date de l’audience. Nous vous tiendrons au courant.

Le Vatican et les crimes sexuels contre les enfants

Sans doute la place importante occupée par l’IHEU au plan international vient-elle de l’excellent travail qu’elle accomplit au Conseil des Droits de l’Homme à Genève. Roy Brown, ancien président de l’IHEU – qui est par ailleurs membre honoraire de la National Secular Society – a conduit cette délégation à Genève durant des années. Nous lui devons tous énormément. Je suis fier de travailler au sein de cette équipe mais nous avons des adversaires

redoutables. Nous nous attaquons souvent à des forces très puissantes dans le monde. Parfois, nos adversaires sont des états membres de l’Organisation de la Conférence Islamique.

Mais actuellement, je me concentre sur un autre adversaire, un état membre appelé Saint-Siège. C’est le jargon diplomatique pour « Église catholique romaine ». Il a un siège aux Nations-Unies sur la base du fait que son quartier général est établi dans la Cité du Vatican. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que les avis divergent quant au fait que cette petite enclave dans la ville de Rome constitue un état souverain sur le plan de la législation internationale. Mais c’est un autre débat.

Cette trinité d’identités (Église catholique romaine, État du Vatican et Saint-Siège) permet à cette dernière monarchie absolue d’Europe d’exercer son terrible pouvoir avec le minimum de responsabilité. Elle a sans doute l’un des réseaux d’ambassadeurs (appelés nonces apostoliques) le plus étendu à travers le monde.

Au moment où l’ampleur stupéfiante de la crise des abus sexuels au sein de l’Église catholique devint plus évidente, je me suis lancé dans une étude sur l’histoire de cette crise, sur la réaction de l’Église catholique à cela et sur quelles sanctions pouvaient être prises pour obtenir justice – travail qui était clairement inexistant. Rapidement, voici mes conclusions :

  1. 1. Le problème s’est posé dès les origines de l’Église mais semble avoir atteint son apogée dans la deuxième moitié du vingtième siècle ;
  2. 2. la hiérarchie catholique était parfaitement informée de cela ;
  3. 3. la hiérarchie catholique a contribué à la perpétuation de ces crimes sexuels contre les enfants en déplaçant des coupables bien connus vers de nouvelles paroisses, par la culture du secret qui les protège de la justice civile et – jusqu’à récemment – d’un tollé général pour que cessent ces abus.
  4. 4. Les sévices sur les victimes ont été aggravés du fait que leurs témoignages et leurs dénonciations ont été niés et rejetés. Jusqu’à aujourd’hui, l’Église fait preuve d’une extrême lenteur pour éviter ou minimiser les compensations, imposant souvent le silence comme condition pour le paiement des indemnisations.
  5. 5. Le système judiciaire de l’Église – le Droit Canon – est non seulement inefficace mais il sape la loi civile dans ce domaine.
  6. 6. La couverture de ces abus sexuels atteint les sommets de la hiérarchie catholique ; le pape actuel a été nommé en novembre 1981 préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Il est pour cette raison peu probable que personne mieux que lui n’en sache autant sur les abus sexuels contre les enfants. Et on s’accorde largement à dire qu’il a cherché à perpétuer le secret.
  7. 7. Bien qu’il y ait eu des discours affligés du Pape, l’attitude de la hiérarchie a été de limiter les dégâts plutôt que d’en finir avec ceux qui avaient soit commis des abus eux-mêmes, soit les avaient massivement couverts.

Le Cardinal Law a été impliqué dans la couverture des abus à une grande échelle lorsqu’il était archevêque de Boston, l’un des plus grands diocèses des États-Unis. Quand Law a été sérieusement critiqué, le pape précédent a insisté imprudemment pour qu’il ne démissionne pas, mais même le pape actuel a du céder devant la pression de l’opinion publique – chose que l’on a rarement vue. L’Église a rapidement parachuté Law au Vatican, comme par hasard à l’abri des cours de justice américaines. Loin d’être réprimandée, la mauvaise conduite de Law semble avoir conduit à une amélioration significative de son statut. Il a été autorisé à prononcer l’une des messes lors des funérailles papales, a pris la tête d’une prestigieuse basilique à Rome et a été autorisé à conserver son siège au Conseil pontifical pour la Famille.

Des milliards de dollars ont été versés en compensation aux États-Unis, des milliards d’euros pour la toute petite Irlande. De très gros scandales ont surgi dans un grand nombre de pays d’Europe, impliquant fréquemment les sommets de l’Église catholique. Le Cardinal Archevêque Groer de Vienne, dont on estime qu’il a été impliqué personnellement dans 2000 cas d’abus sexuels bien qu’il ait été dénoncé bien des années avant sa mort, est décédé avec le titre de Cardinal. Jean Paul II a ignoré les demandes répétées auprès de Marcial Maciel pour qu’il rende des comptes au sujet des abus à grande échelle pratiqués au sein de la congrégation des Légionnaires du Christ, qu’il dirigeait de Mexico. Finalement Benoit XVI s’est décidé à écarter Maciel mais on ne sait pas si c’est parce qu’il était lié à cette affaire d’abus sexuels ou simplement pour ramener sous sa coupe une organisation incontrôlable.

Il paraît très improbable que ces abus aient été circonscrits dans la zone géographique délimitée que l’on connaît à ce jour. On sait très bien que des prêtres errants du Royaume-Uni ont été chassés vers l’Afrique. Et on sait également qu’il reste beaucoup de choses à découvrir en ce qui concerne l’Amérique du Sud et l’Extrême-Orient.

Alors quel a été mon travail ?

J’ai rapidement découvert que l’Église catholique était en retard depuis plus de 10 ans sur les rapports obligatoires à remettre aux Comités des Nations Unies.

Cela m’a amené à examiner la Convention des Droits de l’Enfant et à établir une liste des autres probables violations. Une fois que j’ai eu établi qu’il y en avait quelques-unes, j’ai mis tout cela dans un rapport aux Nations Unies et j’en ai parlé au Conseil des Droits de l’Homme aux Nations Unies en 2009. Si le Vatican avait ignoré mes attaques, il se peut que cela n’ait jamais été rapporté. Mais au lieu de cela, ils ont répondu avec des arguments fallacieux et une défense arrogante, ce qui a capté l’imagination des medias du monde entier.

Un peu plus tôt cette année, j’ai écrit un autre rapport allant plus loin mais cette fois j’ai pu cité le juriste des Droits de l’Homme Geoffrey Robertson qui a le titre de Conseil de la Reine, qui a validé mes protestations pour atteinte à la Convention, et a conclu que 6 articles avaient été violés. Et malgré leur affirmation en 2009 que les rapports – très en retard – étaient « finalisés à l’heure où nous parlons », ils n’ont toujours pas été publiés.

Le Vatican a appris de la terrible leçon de 2009 et ses représentants sont restés silencieux à Genève lorsque j’ai de nouveau attaqué sur leur épouvantable record. Mais quelque chose dans le comportement de leurs représentants me fait penser qu’ils ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas continuer à se dérober.

Ainsi curieusement, le mois dernier, sans aucune raison apparente, les représentants du Vatican se sont engagés à ce que les rapports – très en retard – soient bientôt rendus publics. Certes ils ne le sont toujours pas, mais cela semble progresser. Je pense qu’ils savent qu’on ne les laissera pas continuer à s’échapper. Je peux vous assurer et les assurer, qu’il y a beaucoup plus dans les tuyaux.

Mais aucun commentaire contemporain sur le Vatican et les abus sexuels ne serait complet sans tenir compte de l’extraordinaire mais bénéfique discours fait par le Premier ministre d’Irlande sur ce sujet le 20 juillet dernier au parlement.

C’était pour le moins étonnant d’abord car son parti est lié aux chrétiens démocrates et au Parti Populaire Européen et peut-être encore davantage du fait que se reconnaissant lui-même comme catholique pratiquant, il a choisi de faire lui-même ce discours. N’oublions pas non plus qu’il parlait d’une organisation qui a un statut spécial dans la constitution irlandaise et que – que cela nous plaise ou non – le Saint-Siège est traité comme un état souverain.

Le Premier ministre a décrit le dernier rapport sur les abus sexuels d’enfants (dans le Diocèse de Cloyne) comme “navrant”. Il a aussi dénoncé « une tentative du Saint Siège pour entraver une enquête dans une république démocratique (l’Irlande) survenue aussi récemment qu’il y a trois ans et non trois décennies. » Il a déploré « cette intervention du Vatican qui contribue à saper les cadres et les directives de l’État irlandais et des évêques irlandais en matière de protection des enfants. » [Le nonce papal, qui peut être expulsé, a maintenu que cette intervention ne pouvait être interprétée comme une invitation à couvrir les abus] « Est-ce que le Vatican nous prend, nous, peuple d’Irlande, pour des idiots ? » a ajouté le Premier ministre.

“En faisant cela, le rapport Cloyne met au jour le dysfonctionnement, la déconnection (des réalités), l’élitisme, le narcissisme qui dominent la culture du Vatican à ce jour”, a-t-il dit. “Le viol et la torture d’enfants ont été sous-estimés ou “gérés” pour ménager l’institution, son pouvoir et sa réputation”, a-t-il poursuivi.

“L’Église officielle s’est discréditée dans cette manipulation, a-t-il ajouté. C’est absolument répugnant et cela atteint des sommets. Les évêques, avec le Vatican, ont joué un rôle majeur dans l’aggravation des abus sexuels à l’égard des enfants en Irlande.

“Il n’y a aucune indication d’un quelconque intérêt de la part du Vatican à l’égard des enfants qui ont été victimes de ces abus. Si les autorités du Vatican n’ont pas encouragé les évêques à enfreindre la loi, ils les ont encouragés à faire passer la réputation de l’Église avant la protection des enfants. Ils étaient plus ennuyés par cette source d’embarras que par les dommages causés par ces abus. Dans combien d’autres diocèses le Vatican est-il intervenu de la même manière qu’il l’a fait à Cloyne ? »

Il y a quelques temps, celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger affirmait : « Les standards de conduite de la société civile ou les rouages d’une démocratie ne peuvent être appliqués purement et simplement à l’Église. »

« Au moment où le Saint Siège prépare ce qu’il considère comme sa réponse au rapport de Cloyne, je veux qu’il soit bien clair que lorsqu’il s’agit de la protection des enfants de ce pays, les standards de conduite que l’Église estiment appropriés pour elle-même ne peuvent pas être appliqués au fonctionnement de la démocratie et de la société civile dans cette république, purement et simplement parce que les enfants doivent passer avant tout le reste. »

“Ceux qui ont abusé les enfants ont été autorisés à faire jouer leur statut de membre du clergé pour accomplir les crimes les plus épouvantables et la direction de l’Église dans le diocèse et à Rome ont fait preuve d’une indifférence cruelle pour la sécurité et les droits des plus vulnérables de leurs ouailles. Cela n’a pas été fait seulement pour éviter le scandale. Cela va plus loin et implique un refus délibéré du respect de la morale de base et des responsabilités légales. »

“L’évêque [de Cloyne] John Magee a placé la loi Canon au-dessus de la législation civile de notre pays. Cette disposition a conduit directement à ce qu’il y ait davantage d’enfants victimes d’abus en refusant d’appliquer les procédures légales de rapports et par là même cela a conduit à exposer davantage d’enfants. »

Et le plus révélateur dans tout cela, c’est que, bien que complètement discrédité, l’évêque de Cloyne a été le secrétaire privé et le confident de trois papes.

Lors du débat qui a suivi ce discours, il y a eu des mots encore plus sévères à l’égard Vatican et un député, Mick Wallace, a déclaré : “Le gouvernement doit reconsidérer la relation entre l’État et l’Église. L’Église a tenu une place trop grande dans la structure de l’État. Plus tôt ils seront séparés, mieux ce sera pour chacune des deux parties. » Il a affirmé ensuite à la BBC « Le Vatican a de sérieuses dispositions pour éviter que les preuves, la vérité ne sortent au grand jour, l’Église a prouvé qu’elle était un cancer dans la société irlandaise.”

Il semblerait qu’il y ait désormais une génération d’hommes et de femmes politiques en Irlande qui sont prêts à faire ce qu’il faut pour briser la mainmise de l’Église : une réécriture de la constitution pour affirmer clairement que

l’Irlande est un état indépendant, démocratique qui ne compte pas sur une institution théocratique extérieure pour établir sa politique.

Après le discours de Liz O’Donnell (députée irlandaise) en 2005 lors de la publication du rapport Ferns, soulignant que « la relation spéciale existant entre l’Église et l’État devait cesser », après le discours d’Ivana Bacik, sénatrice irlandaise, devant l’assemblée générale d’Atheist Ireland en juillet 2010 expliquant qu’il « était temps de séparer l’Église de l’État », plus que jamais cette question est au coeur du débat politique en Irlande.