Tous les auteurs politiques ont affirmé que le but de toute société politique était le bonheur du peuple. Ce bonheur ne consiste pas seulement dans la satisfaction complète des besoins naturels des citoyens mais bien plus dans la Liberté sous toutes ses formes, et en premier lieu la liberté de conscience c’est-à-dire la liberté de croire dans une divinité quelconque ou de ne croire en aucune. Mais vont naître des rites puis des dogmes et enfin un clergé qui deviendra peu à peu l’intermédiaire obligé entre les hommes et le ou les dieux supposés.

Prêtres, mages, chamanes et autres dignitaires religieux vont se confondre avec le pouvoir politique (royal, impérial, oligarchique ou aristocratique) ; chacun trouvant dans la place et dans la fonction de l’autre la justification de son propre pouvoir.

Autrement dit, les institutions religieuses tenteront d’exercer une autorité sur les hommes et les femmes, contrôlant leur conduite économique, sociale, morale et sexuelle. Elles y parviendront d’autant mieux qu’à la fois elles édictent les règles de vie dans la société et qu’elles s’appuient sur le pouvoir politique en place.

Jacques LAFOUGE

De ce point de vue, les monarchies de droit divin étaient les obligées des Églises censées leur avoir conféré un pouvoir terrestre sous prétexte d`une volonté ou d’une onction divine. Dans le même temps, ces monarchies devenaient leur bras séculier dans la répression des hérésies (parfois même, en contradiction avec le pouvoir temporel lui-même comme le montrent les exemples de Philippe le Bel, Henri VIII d’Angleterre ou l’Empereur Henri IV s’agenouillant à Canossa).

De la même manière les dictatures et singulièrement celles du XXe siècle ont bénéficié de l’appui des Églises et singulièrement de l’Église catholique.

Alors quel est le problème ?

Pour tenter de le résoudre nous examinerons d`abord pourquoi la séparation est nécessaire. Puis, deux exemples emblématiques : la France et les États-Unis. Enfin, nous nous poserons la question de savoir si la séparation existe dans le monde.

Le problème vient de la volonté des Églises, de toutes les Églises d’imposer à tous des conduites et des convictions, en violation du droit des individus. Les Églises veulent régenter la vie de la cité car elles proposent des systèmes complets religieux, politiques et juridiques, ces systèmes par nature autoritaires sont contraires aux Droits de l’Homme.

Le conflit entre les pouvoirs civils et religieux nous vient directement des réflexions de philosophes grecs 500 ans avant notre ère. A l’évidence, la liberté individuelle doit passer par la séparation des Églises et de l’État.

Etait-ce une idée neuve ?

La séparation est à la fois une vieille idée et une exigence moderne qui vient de l’opposition des citoyens au désir forcené des religions d’unir, de fusionner spirituel et temporel.

Deux exemples emblématiques : La France et les États-Unis

Choisir l’exemple de ces deux pays illustre parfaitement la problématique de la séparation.

L’un, la France, a réalisé la séparation pour écarter les Églises de la vie politique selon le principe : les Églises chez elles, l’État chez lui. L’autre, les États-Unis d’Amérique, pour empêcher que l’État ne s’immisce dans la vie des religions.

En France, c’est au XVIIIè siècle que sera pris le tournant décisif. Dénonçant l’exigence de l’Église catholique d’assumer ou de guider le pouvoir politique, les philosophes du siècle des Lumières ouvrirent la porte à ce qui deviendra la laïcité.

Le divorce devait se formaliser pendant la Révolution française par des textes :

  • Décret du 3 Ventôse An III : « La République ne salarie aucun culte. » Ce décret ne faisait que reprendre les termes de la Constitution du 5 Fructidor An III (22 Août 1795), Art. 254 : “Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant à la Loi, le culte qu’il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun.”
  • Loi du 7 Vendémiaire An IV : prohibition des manifestations extérieures de la religion.

Dans l’esprit c’était déjà la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État.

La séparation de l’Église et de l’État figurait aussi en 1869 dans le programme de Belleville des Républicains et c’est la Commune qui va le 3 Avril 1871 décider la séparation de l’Église et de l’État. “Considérant que le premier des principes de la République Française est la Liberté ; considérant que la Liberté de conscience est la première des libertés ; considérant que le budget des cultes est contraire au principe, puisqu’il impose les citoyens contre leur foi ; considérant en fait que le clergé a été complice des crimes de la royauté contre la Liberté ; Décrète : L’Église est séparée de l’État. Le budget des cultes est supprimé.”

Le 4 Septembre 1905, Emile Combes déclara que la Loi de Séparation était inéluctable. Le projet de Loi fut déposé le 9 février 1905 et celle-ci fut adoptée définitivement le 9 Décembre 1905. Elle posait deux principes essentiels :

Article 1 : “La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes…”

Article 2 : “La République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte.”

La séparation était donc faite. Mais la République n’a jamais été complètement laïque :
- des portions du territoire national n’ont jamais connu la séparation des Églises et de l’État : Alsace-Moselle, Guyane, Saint-Pierre et Miquelon.
- l’évolution de la législation est constamment allée dans le sens d’un amoindrissement des dispositions laïques

Ainsi, le Conseil d’État, institution datant de Napoléon 1er, vient de prendre des décisions juridiques qui sont contraires à la loi de séparation, notamment dans le domaine du financement public des cultes. Une grande bataille va s’engager en France sur cette question pour maintenir la laïcité sur ses bases juridiques.

Le problème n’est pas pour nous seulement la Liberté de penser, le problème, c’est le maintien dans toute sa rigueur de l’article 2 de la Loi de 1905 : “La République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte”.

Et c’est bien là où se mènent les atteintes au principe de séparation.

Pour nous libres penseurs, il n’a jamais été question d’attaquer les croyances religieuses, mais de les cantonner dans la sphère privée. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire, nous sommes pour le respect absolu de liberté de conscience.

C’est pourquoi nous combattons la présence des religions dans le domaine public, mais nous revendiquons la liberté de chacun dans le domaine privé. C’est le sens de notre position contre une loi réprimant le voile intégral ou la burqa dans la rue. La rue n’est pas une institution publique comme l’administration. Chacun doit être libre de s’y déplacer en toute liberté d’habillement.

Dans le domaine de la séparation, les États-Unis d’Amérique ont suivi un autre chemin puisqu’en ce qui concerne ce pays relativement neuf il s’agissait, dès sa naissance, de protéger les Églises de l’État.

Il semblerait a priori que les États-Unis d’Amérique évoluent dans un univers religieux complexe. Un examen superficiel ferait apparaître que la vie de la nation baigne dans le religieux. La Constitution de 1787 ne fait pas référence à Dieu et si dans la Déclaration d’Indépendance de 1776, il est fait référence au Créateur, qui ressemblerait au Grand Architecte de l’Univers, c’est une notion qui vient sans doute des Lumières. Ne sachant qui est ce créateur chacun peut l’imaginer à sa manière ce qui aboutit à l’évidence à la liberté de conscience.

James Burgh écrivait : « Les dirigeants n’ont aucune exigence religieuse à faire respecter. » Jefferson et Madison affirmèrent la liberté de conscience et la neutralité de l’État à l’égard des cultes. Le Premier Amendement de la Constitution américaine interdit l’établissement d’une religion d’État et garantit la liberté religieuse : « Le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice.. »

Ceci résultait d’un équilibre entre les désirs des citoyens et le pouvoir politique. Personne ne voulait que l’État fédéral entre dans le domaine religieux. Et l’État fédéral ne le voulait pas non plus.

Ainsi naquit, en 1802, dans une célèbre lettre à la congrégation baptiste de Danbury Connecticut, l’expression du président Thomas Jefferson du « mur de séparation entre l’Église et l’État ».

En 1947, le juge à la Cour Suprême Hugo Black disait : « Ce mur sera maintenu haut et impénétrable. »

Laissons maintenant la parole au militant de la Séparation des Églises et de l’État, notre ami Robert Boston, qui déclarait à Paris le 10 décembre 2010 au colloque international de l’IRELP :

« Ceci a toujours offensé certains Américains. Ils ont attaqué la Constitution après qu’elle ait été ratifiée, et ils ont attaqué le Bill of Rights 10 ans après, de la même manière.

Ils croyaient que notre nation ne pourrait survivre si nous ne basions pas explicitement notre gouvernement sur le christianisme.

Dans l’ère moderne, les forces qui cherchent à lier leur religion au gouvernement sont les plus actives pendant les périodes de grand changement social. L’Amérique devenait culturellement (sinon légalement) plus séculière. Le nombre d’Américains qui déclaraient aller à l’église diminuait régulièrement. Les gens ont commencé à explorer la spiritualité en dehors des confins des églises.

De plus en plus de gens se sont montrés publiquement sceptiques face à la religion organisée.

Tout ceci préoccupa considérablement la Droite Religieuse – et sa réaction fut d’attaquer les bases séculières de notre pays. Si elle se fraye le chemin, une partie de l’ordre du jour sera moral par nature, mais la Religious Right garde un oeil sur plusieurs dossiers.

Elle entend changer notre nation de la manière suivante : Les écoles publiques, les droits des homosexuels, l’avortement et la contraception, les impôts et le financement aux congrégations et à leurs écoles, la sécurité sociale, la présence des symboles de l’union de l’Église et de l’État. Ils veulent que les Dix Commandements, qu’ils considèrent comme la source de toute loi, soient apposés dans les tribunaux, écoles et édifices gouvernementaux. Elle oeuvre à ce que la croix, symbole prééminent du Christianisme, soit érigée dans les lieux publics. Dans le but de créer l’impression, nonobstant la Constitution américaine, que le Christianisme est de facto la religion de l’Amérique et que ceux qui refusent cela devraient accepter d’être des citoyens de seconde classe. »

Je laisse là mon propos car je sais que nos amis Bobbie Kirkhart, ancienne présidente d’Atheist Alliance et David Silverman, président national d’American Atheists, sont parmi nous et enrichiront considérablement ces quelques remarques.

Je les salue et les en remercie.

2005-2011 : la séparation avance t’elle dans le monde ?

Depuis notre Congrès mondial des Libres Penseurs et des Athées, le 4 juillet 2005 à Paris, le jour même de la Fête de l’Indépendance, constituant le CILALP, qu’en est il ?

Des États théocratiques, on citera l’Iran.

La Constitution de la République islamique de l’Iran, Chapitre 1- article 12 et suivants, précise que : « La religion officielle de l’Iran est l’islam et le dogme celui de la secte Djafarrite duodécimaine immuable pour l’éternité. Les autres dogmes islamiques aussi bien hanéfite, chaféite, malékite, hanbalite et zéidite, bénéficient d’un respect total. Les Iraniens zoroastriens, israélites et chrétiens sont les seules minorités religieuses reconnues qui, dans la limite de la loi, sont libres d’accomplir leurs rites religieux et d’agir en ce qui concerne leur statut personnel et leur enseignement religieux, selon leur liturgie. »

On ajoute à l’article 21 : « Le contrôle des opinions est interdit et personne ne peut être attaqué et réprimandé pour ses opinions. »

Toutefois et singulièrement aux articles 24, 26, 27, 28 il est précisé que si la liberté de la presse existe si elle ne va pas à l’encontre des préceptes de l’islam, la loi en fixe l’interprétation…

On se trouve donc devant un État complètement religieux dans lequel la liberté des citoyens est limitée par l’obéissance absolue aux préceptes de l’islam.

A peu de choses près la situation peut être considérée comme identique en Grèce et en Pologne.

L’Église orthodoxe est toute puissante en Grèce. Elle dispose d’une sorte d’exterritorialité au Mont Athos et jusqu’à une époque récente la religion figurait sur les cartes d’identité.

La situation est sensiblement la même en Pologne où l’Église catholique continue à vouloir intervenir dans les affaires de l’État, dans le domaine public et régir la vie intime des citoyens. On note désormais l’action résolue d’un certain nombre d’associations rationalistes et de libre pensée pour que soit mis fin à cette oppression.

Citons également l’Arabie saoudite, le Soudan et probablement l’Afghanistan dans la mesure où on peut actuellement en juger.

Au Liban, à deux reprises le 27 février puis le 6 mars 2011, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Beyrouth. “La laïcité est la solution”, pouvait-on lire sur une grande banderole déployée lors de la manifestation, organisée à l’appel de la campagne pour “la chute du régime confessionnel au Liban” lancée, selon leur communiqué, par les “forces et groupes de jeunes et de militants et militantes”.

Rappelons que le système libanais est un mélange complexe de partage du pouvoir basé sur des quotas communautaires. Ainsi, le président doit être un chrétien maronite, le Premier ministre un sunnite, le président du Parlement un chiite, etc.

“Nous ne voulons pas que la religion se mêle à la politique, nous voulons la séparation de la religion et de l’État”, expliquait une manifestante.

La seconde catégorie concerne des États qui, sans être constitutionnellement dans un régime de séparation, connaissent une sécularisation grandissante :

– Le Venezuela, dont la Constitution n’est pas laïque mais qui tend vers un système d’éducation neutre sans influence religieuse. Le Président Chavez a demandé en juillet 2010 une révision du concordat avec le Vatican.

– L’Equateur s’est doté d’une nouvelle constitution où on trouve deux fois le mot « laïque » mais qui fait également référence à dieu et à la Pachamama, la terre-mère. L’influence de l’Église catholique et des sectes évangéliques y reste forte.

– Le Pérou se trouverait dans une situation intermédiaire puisque la Constitution de 1979 préconise la séparation sans qu’elle soit actuellement effective.

– Le Chili connaît un mouvement vers la séparation jusqu’à présent efficacement contrecarré par l’Église catholique qui dernièrement encore demandait que les anciens militaires condamnés pour violation des droits de l’homme soient graciés.

– Depuis le 27 novembre 2010, l’Islande s’est dotée d’une Assemblée Constituante destinée à réformer le pays. Outre des nationalisations et la séparation des pouvoirs, une forte pression s’exerce pour la séparation des Églises et de l’État.

– Du fait du déclin du christianisme en Australie et en Nouvelle Zélande, ces deux pays s’acheminent vers une sécularisation très avancée qui pose déjà au coeur du débat politique la séparation des Églises et de l’État du point de vue constitutionnel, financier et symbolique. Nos amis de l’ANZSA, en particulier notre camarade Max Wallace, ne ménagent pas leurs efforts en ce sens.

– En Espagne, la Seconde République avait adopté en 1931 une constitution laïque.

Après la dictature franquiste, la Monarchie a permis à l’Église catholique, toute puissante pendant 40 ans, de conserver un nombre considérable de privilèges en matière fiscale, dans la rémunération des ministres du culte, dans l’éducation. L’État espagnol a signé un Concordat avec le Vatican ainsi qu’un accord avec les représentants de l’islam. Au demeurant, il a voté des lois sur le mariage homosexuel, la contraception et l’avortement qui vont à l’encontre des dogmes de ces deux religions.

– La Grande-Bretagne connaît le régime d’une religion d’État accompagnée d’une tolérance certaine vis-à-vis des autres religions.

Lors d’une interview accordée au magazine La Raison (n°550, avril 2010) à l’occasion de la visite du pape en septembre 2010, Terry Sanderson, président de la National Secular Society, revenait sur différents aspects du combat pour le désétablissement de l’Église anglicane : « L’abolition des lois sur le blasphème a été un immense succès pour la NSS. Celles-ci protégeaient la doctrine même de l’Église anglicane et lorsqu’elles ont été abolies (en mai 2008 après plus de 140 ans d’existence) – nous avons franchi une étape supplémentaire vers notre but final qui est le désétablissement de l’Église d’Angleterre. (…) » Mais aujourd’hui encore, les récents débats à propos d’une éventuelle réforme de la Chambre des Lords (actuellement 26 évêques anglais siègent toujours de droit à Westminster) montrent qu’on est loin du compte…

Le 28 septembre 2010, près de 20.000 personnes ont défilé à Londres, à l’occasion de la visite historique de Benoît XVI outre-Manche, contre le financement public de ce voyage. Commentant l’immense succès de cette manifestation, Terry Sanderson affirmait : « Cette journée est sans doute un tournant pour le mouvement laïque en Grande-Bretagne (…) Espérons que la colère que nous avons vue aujourd’hui se traduira dans un mouvement laïque accru et fortifié et que le gouvernement verra que toute tentative d’imposer de force la religion dans notre vie sera férocement combattue. »

– La république d’Irlande, toujours sous la férule de la Constitution cléricale de 1937 co- rédigée par l’archevêque McQuaid et le Taoiseach Eamon de Valera, a connu ces dernières années un séisme politique et moral : le scandale des prêtres pédophiles et la crise de la hiérarchie catholique. La question de « mettre fin à la relation spéciale entre l’Église et l’État » pour reprendre les termes mêmes de la députée Liz O’Donnell au Dáil Éireann en 2005 et « d’une campagne pour une constitution laïque qui représenterait le caractère pluraliste de la société » comme pour la sénateur Labour Ivana Bacik, en juillet 2010 devant l’association Atheist Ireland, est nettement posée.

– La Belgique a tenté d’assurer sa paix interne en recourant au système dit des piliers.

Six cultes sont reconnus et traités de façon égale du point de vue des avantages accordés : paiement par l’État des salaires, pensions et protection sociale, logement des ministres des cultes, entretien des locaux, aumôneries, instruction religieuse introduite dans les programmes scolaires, retransmission des services religieux à la radio et à la télévision. Ajoutons que les organisations laïques belges reçoivent également des subventions du gouvernement.

– Le Québec, province intégrée à l’État fédéral canadien, a connu depuis la fin des années 60 et la « Révolution tranquille » une sécularisation accrue et continue qui a mis à mal les principaux vestiges de l’ordre social, moral et clérical du régime corporatiste dit de « La Grande Noirceur ». Pendant 30 ans, à travers l’action résolue d’associations comme le MLQ, des gains laïques très importants ont été enregistrés, accélérant la déconfessionnalisation de la province.

Alors que les cléricaux exigent, au nom du sacro-saint multiculturalisme, des « accommodements raisonnables » à l’intangible principe de laïcité, des milliers de citoyens se sont prononcés publiquement au printemps 2010 « pour un Québec laïque et pluraliste ».

– L’Argentine connaît la liberté des cultes avec une situation fluctuante. Le président Menem collaborait avec l’Église catholique. L’actuel président Kirchner a pris ses distances vis-à-vis d’elle tout en continuant à rémunérer les séminaristes.

– Enfin, vivant dans un climat de grande liberté que les défenseurs de la prétendue « laïcité ouverte » voudraient nous faire passer pour une séparation qui ne dit pas son nom : le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande.

Sur la Suède, laissons la parole au très clérical « Atlas des Religions » :

« Le processus suédois n’est toutefois pas complet puisque le Roi et la Reine doivent toujours embrasser la religion luthérienne et que la loi précise toujours que l’Église suédoise, avec tous les attributs de l’ancienne et la responsabilité de ses temples et des biens, doit être évangélique luthérienne, couvrir tout le territoire et demeurer démocratique, ce qui signifie que des élections sont organisées pour nommer ses responsables. »

En Norvège, le paragraphe II de la constitution stipulait jusqu’ici que l’Église évangélique luthérienne constituait l’Église officielle de l’État norvégien. Le compromis sur lequel les politiciens des sept partis du Storting se sont entendus prévoit que cette section de la constitution se lira désormais : « Les valeurs de base de notre nation sont nos héritages chrétien et humaniste. » La révision de la Constitution doit intervenir en 2012.

En dernier lieu, les États constitutionnellement laïques.

– A l’heure actuelle, l’Inde est un pays qui connaît la séparation. Mais l’État soutient certaines religions selon les tendances politiques au pouvoir avec surenchères des uns et des autres.

– La Bolivie s’est dotée en 2009 d’une constitution laïque par plus de 60% de votes : « La Libre Pensée accueille cette constitution avec émotion parce que cette nouvelle constitution sépare les Églises de l’État. La Bolivie sera donc le premier État d’Amérique du Sud à adopter constitutionnellement la laïcité, puisque le Mexique fait partie de l’Amérique du Nord. La Bolivie ouvre le chemin à tous les peuples d’Amérique latine.

(…) Il faut se convaincre du poids de cette mesure dans un continent dominé depuis 1492 par l’Église catholique. »

– De même, le Portugal a connu en 1911, à la chute de la monarchie, une constitution laïque. La dictature corporatiste de Salazar signe en 1940 un Concordat avec le Vatican, et rend en 1951 au catholicisme son rang constitutionnel de religion d’État.

En 1976, l’Assemblée Constituante adoptait une Constitution, qui même de manière encore limitée, inscrivait dans ses articles : la réforme agraire, l’enseignement public, laïque et obligatoire, la séparation des Églises et de l’État…

L’article 41 de la Constitution portugaise garantissant « la liberté de conscience, de religion et de culte inviolables » et assurant que « les Églises et autres communautés religieuses sont séparées de l’État et libres de leur organisation propre ».

– Le Mexique : dans son rapport introductif au Congrès mondial des Libres Penseurs et des Athées, à Paris, le 4 juillet 2005, Christian Eyschen notait : « Celui-ci était lié au XIXe siècle par un concordat avec le Vatican. Le clergé catholique possède d’immenses propriétés et contrôle le gouvernement et les administrations. Mais en 1856, le parti fédéraliste prend le pouvoir. Il procède à une importante réforme agraire qui voit les biens de l’Église (un tiers des terres agricoles !) remis aux paysans. Les congrégations sont interdites, les bâtiments religieux sont nationalisés, c’est la rupture avec le Vatican.

Le 14 septembre 1874, la séparation stricte et ferme entre l’Église et l’État est votée. Les autorités civiles ont interdiction de participer aux cérémonies religieuses. Les prêtres n’ont pas le droit de porter la soutane en dehors des églises. Les ordres monastiques sont interdits. Comme en France plus tard, la séparation s’appuie sur un mouvement populaire très profond qui fera qu’elle dure encore de nos jours, même si elle est remise en cause de manière importante. » En 2010, les parlementaires ont voté une réforme pour préserver la nature laïque de l’État mexicain.

– Examinons le cas de la Turquie. Typiquement, la volonté de laïcisation vient d’en haut impulsée par Mustapha Kemal dit Atatürk, appuyée par une relative mobilisation populaire. Celui-ci, après avoir pris le pouvoir, chasse les colonisateurs européens. Il fonde alors ce que l’on appelle “la République moderne”. Il abolit le Califat et engage la Turquie vers la séparation de la sphère religieuse et de l’État.

L’Ecole publique est profondément laïcisée. De nos jours les signes et emblèmes religieux sont toujours interdits. Dans ce mouvement de sécularisation, l’islam n’est plus considéré comme “religion d’État” en 1928. Son Parti républicain du peuple déclare dans son programme en 1931 : “Les idées religieuses appartenant au domaine de la conscience personnelle, le Parti considère que l’exclusion des concepts religieux des affaires de l’État et de la vie politique est le facteur principal qui peut assurer à notre nation le succès dans sa route vers le progrès”. On voit bien que cette question est toujours d’une brûlante actualité dans ce pays et l’objet de tous les débats et de tous les enjeux.

– En URSS, en 1917, les bolcheviks font une grande réforme agraire pour donner la terre aux paysans et nationalisent en conséquence les biens du clergé. Ils laïcisent l’État, l’administration, l’État civil. L’Église orthodoxe est dépossédée de tous ses privilèges. La loi du 23 janvier 1918 décrète et organise la séparation.

L’Église ne va pas accepter et là aussi, va lier son sort à l’ancien régime. Elle en subira les conséquences. Mais avec Staline, cela devient la répression de toute la société et donc du clergé aussi. Jusqu’en 1941, où le pouvoir stalinien convolera en justes noces avec les popes. Après l’effondrement de l’URSS, l’Église a su maintenir ses privilèges en violation de la loi de séparation de 1918.

Au rang des états laïques et/ou connaissant des éléments de séparation on peut encore citer :

  • le Népal en 2008.
  • l’Angola en janvier 2010 a proclamé dans l’article 10 de sa nouvelle Constitution la séparation des Églises et de l’État. Le Mali connaîtrait également ce type de disposition.
  • Deux cantons suisses (Neuchâtel : 1941 – Genève : 1881 et 1907), le Japon, la Corée du sud, le Vietnam, l’Ouzbékistan en 1992, les Philippines en 1987.
  • On trouvera encore en Amérique du sud, la Colombie qui récemment encore a déclaré contraire à la constitution l’institution d’une cité sanctuaire.

Conclusion

A la suite de cet examen certes incomplet et trop rapide on peut tirer quelques conclusions.

La Séparation est d’abord un acte politique. C’est un acte de liberté qui correspond à un acquiescement du peuple à une volonté d’indépendance complète de l’État vis-à-vis des religions.

Elle peut se produire lorsque le poids des Églises est important. Lorsqu’il est plus léger, comme dans les pays scandinaves, on assiste plutôt à une sécularisation informelle dans la mesure où la population se détourne du phénomène religieux qui devient une simple référence personnelle.

C’est un acte fragile, car les Églises ne se résignent jamais à leur perte d’influence sur la société civile. Elles tentent toujours de reconquérir leur mainmise sur les citoyens et leur offensive est constante. A cet égard, l’exemple de la France en est l’illustration.

C’est un acte d’autant plus fragile que des responsables politiques mettent leur influence au service d’une remise en cause de la séparation.

Les Églises « acceptent » la « Laïcité »… dans le sens de tolérance en leur faveur, c’est-à-dire de leur réintroduction dans l’espace public, ceci est particulièrement notable auprès des institutions de l’Union Européenne.

Le combat pour la liberté absolue de conscience est celui de l’émancipation intégrale politique et économique de l’Humanité.

La séparation n’est pas en soi antireligieuse mais est nécessairement anticléricale.

Enfin il ne peut y avoir de véritable démocratie sans laïcité véritable. C’est la raison pour laquelle la création de I’AILP ne peut que contribuer à renforcer la séparation là où elle existe et à aider l’instaurer là où elle n’existe pas.

Je vous remercie de votre attention.