En résumé je dirais déjà que certains ne voient plus le combat de la laïcité comme un combat idéologique contre l’Eglise catholique ou d’autres Eglises.
On peut parfaitement, disent certains, être croyant et laïque. C’est la laïcité politique et non philosophique. Après les luttes acharnées des années 70 et 80 pour la dépénalisation de l’avortement, celles tout aussi âpres pour faire sortir l’euthanasie du code pénal, celles pour avoir accordé aux homosexuels le droit au mariage, on peut avoir l’impression que les revendications laïques marquent le pas ou même que tout est acquis et pourtant …

Et pourtant les religions veulent influencer la vie de chacun des citoyens non seulement par des prises de position éthique et par la remise en question de ces droits acquis, mais aussi par une mainmise sur la politique et l’enseignement. Il ne faut pas aller pour cela jusqu’en Arabie saoudite, en Iran … ou aux USA … il suffit de regarder ce qui se passe de plus en plus en Europe.

Charles SUSANNE

Dans les sociétés occidentales, le pluralisme religieux est de règle. Ce pluralisme peut aboutir à différentes réactions, celles du fondamentalisme, qui trouve son origine dans les années 1920 dans une défense des fondements des religions chrétiennes (accompagnée d’un sentiment de crainte vis-à-vis de la modernité, de la sécularisation, du pluralisme, du matérialisme), celles du
« New Age » qui reprend des croyances de différentes religions ce qui en fait une sorte de « bricolage » spirituel, les croyances à la carte, un supermarché du religieux (la recherche du bienêtre spirituel par le paranormal, l’astrologie, la macrobiotique, des thérapies de danse, des amulettes, des méditations, du shamanisme, …) et celles de l’athéisme qui analyse de manière critique les sentiments religieux et prône une sécularisation radicale.

Toujours est-il que beaucoup estiment trop vite que la libération, acquise de longue date, de l’Etat de la tutelle cléricale, est un fait acquis. C’est faire semblant de ne pas voir les positions, de plus en plus, conservatrices de l’Eglise vaticane, mais aussi celles de l’Islam fondamentaliste, des églises évangélistes, des sectes comme l’Eglise de scientologie, et même du bouddhisme du Dalaï-lama… C’est être aveugle face à leurs tentatives d’influencer la puissance politique, nationale et européenne.

C’est ce que je vais donc essayer de développer en prenant l’exemple du créationnisme. Les récits de création des différentes religions veulent expliquer certains phénomènes naturels et les mettent en relation avec une volonté divine, y donnant donc un caractère sacré. Les religions sémitiques (chrétiennes, juives et islamiques) donnent une image linéaire de la création, dieu créant le monde à partir du néant. Les religions hindoues (hindouisme, bouddhisme) donnent une image plus cyclique.

Dans l’évolution et les concepts décrits par Darwin, quels sont les concepts qui dérangent les religions, et qu’elles considèrent même comme dangereux ?

Il s’agit essentiellement de concepts liés au hasard, à la nécessité, à l’échelle de temps et à l’être humain.

Le hasard dans l’évolution intervient dans le caractère aléatoire de l’émergence de la vie, des mutations et de la génétique en général, de la dérive génique dans de petites populations…qui s’oppose donc au dogme d’un Dieu omniscient.

La nécessité est représentée par la théorie de la sélection naturelle et la sélection des êtres vivants les mieux adaptés en termes de survie et/ou de reproduction. Le « fitness » d’un individu est lié à la présence de caractères apportant, directement ou indirectement, une probabilité plus grande d’avoir des descendants : ce « fitness » est lié à des conditions environnementales particulières. Elle s’oppose cette fois au dogme de la liberté divine du Créateur.

L’échelle du temps est considérable en termes du long processus géologique de la terre ou de l’origine du Cosmos. Difficile à concilier avec la Genèse.

Le problème anthropologique lié à l’origine de l’être humain est aussi essentiel, l’homme est issu du groupe des primates et en fait à une échelle plus lointaine d’un ancêtre commun de tous les êtres vivants.

Ce fait scientifique relativise la position de l’être humain dans la nature et entre « en choc frontal » avec le dogme des religions d’un être humain créé à l’image de Dieu.

Nous sommes souvent tentés de nous représenter l’évolution humaine de manière linéaire, car nous sommes tellement fiers de nous-mêmes qu’il n’y a pas de doute nous sommes au « sommet de l’arbre », un couronnement de l’évolution, voire le but ultime d’un créateur.

L’Evolution suggère, en fait, que l’être humain n’est autre qu’un animal soumis aux mêmes lois évolutives que toute autre espèce vivante. Cette atteinte au statut particulier de l’être humain dans la nature va, depuis l’oeuvre principale de Darwin, faire de la théorie darwinienne de l’évolution le symbole d’un matérialisme scientifique à abattre.

Malgré le succès de certaines religions, celles-ci ont commencé à donner des signes d’affaiblissement lorsque les découvertes scientifiques se sont développées. Toutes les religions ont dû subir, qu’elles l’aient désiré ou non, de profondes adaptations, les éloignant de leurs principes fondateurs. Seules les fondamentalismes, attachés à des doctrines qui refusent toute évolution de pensées, voyant le monde les dépasser, veulent rester proches des fondements de leur religion.

Un de ces fondamentalismes est représenté par le créationnisme qui peut prendre différentes formes :

  • Le créationnisme où la terre est très récente : elle a été créée par Dieu il y a 6 000 à 10 000 ans, toutes les formes de vie ont été créées en 6 jours. Il s ‘agit donc d’une lecture littérale de la Bible ou du Coran. Cela pourrait paraître étrange aujourd’hui, mais c’est à cette version que se tienne une majorité d’évangélistes et de musulmans pratiquants.
  • La théorie dite du fossé (gap theory) : la genèse est une création en 6 jours, mais une seconde création car il y a eu une première création, qui a été engloutie par Dieu (ainsi s’explique les fossiles des dinosaures, de Neandertal, de Cro-Magnon …).
  • Le créationnisme où l’on accepte l’ancienneté géologique de la terre mais où la vie est créée par Dieu suivant les textes bibliques, chaque jour de la Création peut éventuellement représenter des milliers voire des millions d’années.
  • Le créationnisme progressif ne rejette pas totalement les travaux scientifiques et accepte l’incohérence de la Genèse, Dieu interviendrait périodiquement dans un processus de création épisodique.
  • Le dessein intelligent (intelligent design, ID) où l’on considère que le monde est tellement complexe, que l’on ne peut le concevoir sans l’appui d’un « architecte » intelligent.
  • Le créationnisme théiste : Dieu crée la vie par l’intermédiaire de l’évolution, et puis il laisse aller en quelque sorte, ce point de vue accepte les données biologiques, sauf lorsqu’il s’agit de la Création de l’être humain et de l’âme humaine
  • La foi en la création : ils prétendent ne pas être créationnistes, ils admettent les principes de l’évolution, le fait que Dieu n’aurait pas créé l’univers, ni la vie, mais l’esprit humain serait l’oeuvre d’un souffle divin.
  • Les intellectuels chrétiens modernes acceptent les sciences de l’évolution, ils y ajoutent un discours sur le « sens », supposé transcender le discours scientifique.

Comme on le voit les positions créationnistes peuvent être divergentes, voire largement opposées.
Souvent, les croyants prendront d’ailleurs des positions créationnistes différentes en fonction de ce
qu’ils parlent du monde animal ou de l’être humain.

Charles SUSANNE

Pour des raisons politiques, on fait souvent débuter le créationnisme « moderne » aux USA en 1924, lorsque l’Etat de Tennessee, par le Butler Act interdit l’enseignement de l’évolution. Dès lors, les créationnistes vont essayer par tous les moyens de chasser le matérialisme scientifique, et notamment l’évolution, de l’enseignement dans les écoles publiques pour le remplacer par le récit biblique de la création

Des lois sont votées notamment dans les Etats du Sud (Tennessee, Arkansas, Floride, Oklahoma, …) pour interdire cet enseignement de l’évolution. Mais, en 1968, ces lois seront cependant jugées comme anti-constitutionnelles (séparation Eglise-Etat).

Pour cette raison, les créationnistes vont à partir de 1968 rarement attaquer l’évolution de manière frontale. Donc aujourd’hui, le créationnisme doit se faire plus souple

  • on va d’abord proposer un temps égal d’enseignement pour l’évolution et la Genèse
  • puis, on va parler de science créationniste
  • enfin, à partir des années 1980-1990, les mêmes milieux conservateurs, vont attribuer ce processus à une intelligence (Dieu) qui a pour dessein l’apparition de l’être humain. C’est la théorie du « dessein intelligent » (ID, intelligent design). Selon celle-ci, la nature est tellement complexe, que les caractéristiques de l’univers et des êtres vivants doivent être expliquées par une cause intelligente, et non par des processus aléatoires de sélection naturelle.

Cela devient donc plus dangereux par son caractère subtil. Ce sont des manipulations, qui peuvent fonctionner chez un public non formé aux raisonnements scientifiques ou peu habitué à utiliser son esprit critique. Les discussions sont-elles plus souples ? Quelle intelligence ?
Comment ? Inévitablement on est ramené à Dieu et à la bible. Et en 2005, l’ID sera à son tour condamné comme étant de nature religieuse.

Les créationnistes opposent le dessein au hasard pour expliquer des organes dits de complexité irréductible. Darwin était conscient que les organes complexes pouvaient poser problème et Darwin lui-même a consacré un chapitre à ces organes complexes, comme l’oeil, pour conclure à l’évolution progressive de l’oeil sous l’effet de la sélection naturelle. Il concluait en disant ne pas trouver d’organes suffisamment complexes pour ne pas pouvoir s’expliquer par une évolution progressive. Et depuis lors, n’en déplaise aux efforts acharnés des créationnistes, aucun exemple
n’a été trouvé.

Le dessein intelligent (D.I.), avec sa recherche d’exemples de complexité irréductible, est donc contraire à tout esprit scientifique, il est pernicieux en ce sens qu’il considère comme correct de se satisfaire de ne pas comprendre. Pour ces créationnistes, les trous dans nos connaissances doivent rester mystérieux, et par conséquent être comblés par Dieu. C’est le Dieu « bouche-trou », le Dieu des lacunes, ce que refuse beaucoup de théologiens qui se rendent compte que les lacunes disparaissent avec les avancées scientifiques et donc que Dieu ne va plus savoir « où se
cacher ».

Ah ces merveilleuses lacunes ! que Saint Augustin mentionnait déjà : « Il y a une autre forme de tentation encore plus dangereuse, c’est la maladie de la curiosité. C’est ce qui nous pousse à essayer de découvrir les secrets de la nature, ces secrets qui dépassent notre entendement, qui ne peuvent nous servir à rien et que l’homme ne devrait pas aspirer à connaître » (cité par R.Dawkins 2008).

Mais encore une fois nous ne sommes pas dans un débat scientifique mais dans un débat politique. Les créationnistes américains, même s’ils perdent tous leurs procès, gardent un soutien, y compris financier, considérable dans la population américaine et continuent leur stratégie conquérante de l’enseignement.

Le Wedge Document du Discovery Institute (responsable du DI) montre que le DI, et son enseignement, n’est qu’une des facettes du programme des créationnistes, il s’agit clairement d’imprégner la vie religieuse, morale, culturelle, politique, de ne pas séparer les magistères scientifiques et philosophiques, de contrecarrer toute liberté de pensée, d’aboutir à une théocratie sans séparation Eglise – Etat.

En Europe, la situation est moins claire que beaucoup se l’imagine, les positions des différentes Eglises évoquent différentes formes de créationnisme, et le créationnisme a même fait apparition dans l’agenda politique européen.

Des tentatives d’interdire se sont faits jour dans de nombreux pays européens, c’est le cas dans des pays d’origine

  • catholique, en 2004 en Italie, à Chypre, Malte, Lituanie et faut-il le dire la Pologne
  • orthodoxe, en Russie, en Grèce, en 2004 en Serbie, en 2006 en Roumanie
  • protestante, des problèmes existent aux Pays-Bas, en Suède, Allemagne, et même Angleterre
  • musulmane en Turquie

Au niveau des religions, examinons les prises de position officielles.

Lorsqu’en 1996, le pape Jean Paul II mentionne finalement à l’académie pontificale des sciences que “des connaissances récentes amènent à reconnaître que la théorie de l’évolution est plus qu’une hypothèse”, mais la traduction anglophone dit « l’évolution n’est qu’une des hypothèses » et il ajoute que l’Eglise romaine ne peut accepter l’évolution naturelle et que l’esprit humain ne peut émerger d’une évolution matérielle.

Le document, Dei Verbum, adopté par Vatican II, disait d’ailleurs « Tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Ecriture est soumis en dernier lieu au jugement de l’Eglise, qui s’acquitte de l’ordre et du ministère divin de garder et d’interpréter la parole de Dieu ».

Dans son discours du 26 octobre 1996, Jean-Paul II en reste à l’image de la Révélation de la conception de l’homme à l’image de Dieu. La dignité humaine réside dans son âme immortelle rappelant les paroles de Pie XII : « si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui préexiste, l’âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu ».

Jean-Paul II dit aussi : « les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophes qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante…sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne ».

Quel affront aux laïques ! Quel outrage aux évolutionnistes sans dignité personnelle !!

Tous les chrétiens ne sont heureusement pas en accord avec cette phrase. Ainsi le philosophe chrétien Jean Guitton (Dieu et la Science. Grasset, 1991) déclare : « L’esprit et la matière forment une seule et même réalité »

Dans l’Encyclique Spe salvi, Benoît XVI prône une passivité fataliste tempérée par “l’agir”, s’il est éclairé par une espérance : Dieu n’est pour rien dans la misère humaine, c’est une responsabilité humaine (“un monde dans lequel existe une telle quantité d’injustice, de souffrance des innocents et de cynisme du pouvoir ne peut être l’oeuvre d’un dieu bon ; le dieu qui aurait la responsabilité d’un monde semblable ne serait pas un dieu juste et encore moins un dieu bon”). Mais, cependant, les réformes sont illusoires (entreprendre des réformes radicales, c’est-à-dire faire ce qu’aucun
dieu ne fait, ni est en mesure de faire, relève de la prétention, et de la présomption) ! Les responsables sont le progrès, la science, la raison et même l’idéal de liberté, l’espérance s’apprend aussi dans la souffrance (“ce n’est pas le fait d’esquiver la souffrance, de fuir devant la douleur, qui guérit l’homme, mais la capacité d’accepter les tribulations et de mûrir par elles, d’y trouver un sens par l’union au Christ, qui a souffert avec un amour infini”)

Benoit XVI, dans un livre en 2007 « Création et évolution », salue le rôle de la science dans le progrès de la raison mais il reste opposé aux écrits de Darwin et à ceux qui s’obstinent « à rechercher une explication du monde dans laquelle Dieu devient superflu ». Pour lui, la théorie de l’évolution ne serait pas prouvée et ne peut exclure la foi. Il admet que la théorie de Darwin a un “certain niveau de vraisemblance”. “La science offre une conception réduite de la création de
l’humanité. L’évolution soulève des problèmes philosophiques auxquels la science ne peut répondre”. Il y affirme que la théorie de Darwin ne peut pas être prouvée en dernier ressort et que la science offre une conception réduite de la création de l’humanité ! Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Il utilise des arguments vieux d’au moins deux siècles et chers aux déistes du XVIIIe siècle : l’évolution n’est pas scientifiquement prouvée ! Elle n’est pas démontrable !

Le cardinal Christoph Schönborn, proche du pape Benoît XVI, déclarait, dans le New York Times en 2005, refuser la compatibilité entre l’évolution et la foi catholique.

En ce qui concerne le monde arabo-musulman, il fourmille de périodes intellectuelles intenses, notamment au Moyen Age où le monde européen est encore enfermé dans le mysticisme. Mais quel contraste avec le monde musulman actuel ! Récemment, un radicalisme est apparu clairement : même en Europe, les organisations musulmanes européennes exigent le respect des règles islamiques. Un mouvement musulman de type créationniste a été créé en Turquie : il est responsable de nombreuses publications sous le nom de Harun Yahya, dont l’Atlas de la Création.
Le créationnisme musulman s’y réfère souvent : il s’agit d’un ouvrage luxueusement édité, qui a pour véritable objectif non d’argumenter, mais de distiller le doute et de séduire, il s’agit d’éblouir en invoquant l’insondable beauté de la création. En fait, une véritable escroquerie intellectuelle !
Au niveau scientifique, mais peut-on parler de sciences, l’ouvrage est médiocre et fourmille d’erreurs d’identification. Il se résume à comparer des photos d’animaux fossiles à des animaux actuels en concluant à leur ressemblance et donc à la supercherie de l’évolution. « Dans chaque détail de la vie, l’incomparable création et l’infinie science de notre Seigneur sont trop évidentes pour être dissimulées ». Seul le Coran est à la base non seulement de la vérité, de la paix entre les peuples, de la moralité, de la tolérance, … et aussi de toute science véritable. On a beau dire que Harun Yahya n’est pas un théologien, n’empêche que les étudiants musulmans se réfèrent continuellement à lui, au lieu des théologiens.

Les intellectuels turques qui se sont opposés à cet Atlas ont été dénigrés et même menacés.
Jusqu’à quand, dans l’espace religieux musulman, les intellectuels n’oseront-ils pas s’exprimer librement ? La culture restera-t-elle fermée à la modernité ? L’idéologie restera-t-elle liée à une idéologie théologique ? L’interprétation du Coran se limitera-t-elle à la répétition des lettres coraniques ? La modernité et les sciences ne sont plus la seule propriété des anciens colonisateurs : elles sont un patrimoine humain mondial et chaque culture peut donc les acquérir et les adopter.

Certains penseurs musulmans contemporains vont dans ce sens.

Abdelwahab Meddeb (écrivain franco-tunisien, professeur à l’université Paris X) appelle les musulmans à abandonner la charia et le djihad (guerre sainte), « l’un des legs les plus maléfiques du Coran ». Abdelwahab Meddeb, connu pour sa défense raisonnée de l’héritage musulman, décrit la situation actuelle comme étant “ la période la plus noire de l’histoire des arabes avec le monde arabe comme désert culturel marqué par un analphabétisme qui atteint 50% des femmes, alors qu’on n’y traduit que 300 livres par an ».

Djemila Benhabib, auteure algérienne de « Ma vie à contre-Coran », dans un discours au sénat français le 13 novembre 2009, déclarait notamment « La pire condition féminine dans le globe, c’est celle que vivent les femmes dans les pays musulmans. », « Il y aussi ce courant de pensée relativiste qui prétend au nom des cultures et des traditions que nous devons accepter la régression, qui confine l’autre dans un statut de victime perpétuelle et nous culpabilise pour nos choix de société en nous traitant de racistes et d’islamophobes lorsque nous défendons l’égalité des sexes et la laïcité », « L’islamisme politique n’est pas l’expression d’une spécificité culturelle, comme on prétend ça et là. C’est une affaire politique, une menace collective qui s’attaque au fondement même de la démocratie en faisant la promotion d’une idéologie violente, sexiste, misogyne, raciste et homophobe ».

L’Islam, on le voit, n’est pas monolithique, il est pluriel. Il va de l’intégrisme et du fondamentalisme attaché à une interprétation concordiste du Coran à des interprétations humanistes. Il va donc d’une conception de soumission aveugle et fanatique à la volonté d’Allah à une conception humaniste se référant à la liberté de penser de la période andalouse. Ces musulmans humanistes sont cependant, considérés comme hérétiques et accusés d’apostasie. Ces musulmans humanistes, comme les catholiques modérés d’ailleurs, ne peuvent, pour s’exprimer, que vivre
dans une démocratie : ils ont besoin d’une société laïque séparant l’Eglise de l’Etat et d’une société ouverte et tolérante à toutes les opinions.

Il va sans dire qu’il nous faut absolument éviter un discours populiste du style musulman = Islam = islamiste = terroriste ; c’est une caricature que nous devons naturellement absolument combattre.
Cela ne doit pas nous empêcher, cependant, d’exercer notre esprit critique et d’être exigeant sur le respect des droits de l’homme, spécialement dans les valeurs d’égalité entre hommes et femmes. L’islamisme construit des murs de séparation, mais le monde musulman heureusement bouge et le besoin de liberté et de démocratie se fait ressentir et, il est hautement souhaitable de défendre les musulmans éclairés par la Lumière.

Conclusions

Si l’Europe a une voix audible, ce n’est pas par la valorisation de ces racines religieuses, mais par celles des conquêtes en termes de liberté de conscience, d’égalité des droits, d’égalité des sexes, de lutte contre les préjugés. La culture européenne a vocation d’émanciper et non de s’enfermer dans des cultures de traditions closes et de communautarisme.

L’Eglise catholique a exigé que les racines chrétiennes de l’Europe soient mentionnées dans le préambule de la convention. Cet héritage est pour le moins ambigu, faut-il faire référence également aux atrocités commises au nom des religions, ne faut-il pas mentionner également les Lumières, l’humanisme de la philosophie grecque, ou même des éléments arabes de notre civilisation … si on veut à tout prix évoquer les racines, il faut alors les citer toutes et de façon équitable.

Toute un exposé pourrait être consacré à l’emprise du religieux sur la politique européenne, dont l’art. 17.

Les états européens veulent méthodiquement dés-impliquer l’Etat de ses missions sociales, la tendance est à encourager les associations religieuses à prendre le relais de l’Etat, et donc de remplacer la justice sociale par le mode caritatif.

La libre-pensée spirituelle est perçue comme une menace pour tous les dogmes. Les Eglises attendent ou exigent des fidèles une croyance aveugle et une soumission intellectuelle. Les Eglises n’admettent pas la prétention à s’auto-libérer et à se désencombrer des dogmes, des écritures, du clergé. La phrase de Luther n’est-elle pas encore d’actualité ? « la raison est le plus grand ennemi de la foi, elle ne vient jamais en aide au spirituel, mais le plus souvent elle lutte contre la parole divine, traitant avec mépris tout ce qui émane de Dieu ».

L’ennui est que l’hiérarchie des Eglises a toujours considéré que faire des compromis sur ses Vérités considérées comme révélées c’était perdre du pouvoir. L’ennui est que l’Eglise ne tient pas compte dans son enseignement de ce que disent les scientifiques catholiques par exemple en vertu, sans doute, du principe qu’il vaut mieux ignorer ce qui dérange.

L’influence croissante de la pensée chrétienne nord-américaine, des évangélistes africains et celle de l’islam sont autant de phénomènes qui renforcent la présence du religieux dans nos sociétés.
Et la désaffectation, ou le recul pris par un nombre de chrétiens et de musulmans par rapport à leurs églises et mosquées, n’empêchent nullement celles-ci d’accroître leur visibilité. Cette visibilité accrue n’est pas innocente et vise à faire passer au travers des mass média, différents messages dont certains s’adressent clairement aux législateurs nationaux et européens.

Qu’y a-t-il donc de si dérangeant de proposer la liberté de conscience ?

L’harmonie démocratique est un travail toujours inachevé, elle exige que nous maintenions nos principes de laïcité. Il nous faut continuer à défendre ces principes, même si dans notre société la laïcité est tolérée surtout si elle se tait, qu’elle ne fasse pas de vagues, et qu’elle ne dérange pas en remuant des questions sensibles.

Nous ne pouvons pas abandonner le souci de progrès universel (car abandonner cette idée correspondrait à l’abandon des idéaux de justice et d’égalité). Notre travail reste la lutte éternelle de la connaissance contre l’ignorance, de la tolérance contre le fanatisme, les superstitions, les préjugés. L’universalité ne se pose pas en termes culturels. Toutes les cultures ont le droit de vivre en liberté authentique, en liberté de conscience, en égalité de traitement de tous les citoyens, en égalité de droit rendue crédible par une justice sociale. Un tel idéal n’est pas spécifique à l’une ou
l’autre culture.

La liberté de conscience implique le droit de s’exprimer. Mais la liberté d’expression ne peut empêcher les analyses critiques. Le respect des personnes ne peut impliquer le respect des idées : le débat des idées ne peut être muselé. Le créationnisme est une attitude, peut-être religieuse, mais certainement politique et sociétale, à laquelle nous devons nous opposer sans complexe, de quelque religion qu’elle vienne. Pourquoi nous opposerions-nous, avec raison, aux paroles de plus en plus conservatrices d’un Benoît XVI, de fondamentalistes américains, d’ultrareligieux juifs ou
orthodoxes, et pas aux fondamentalistes musulmans ? D’aucuns tendent, en effet, à confondre race et religion et considèrent que toute critique vis-à-vis du monde musulman équivaudrait à une attaque contre un groupe social vulnérable et donc une « haine raciale » contre ce groupe. J’aurais tendance à penser le contraire : être tolérant vis-à-vis de situations intolérables est une forme de racisme larvé, car c’est considérer que le musulman serait trop sous-développé que pour appréhender les concepts d’évolution, trop arriéré que pour s’intégrer dans une démocratie et
appliquer les principes de laïcité.

Les idées n’ont pas pour vocation d’être respectées, mais bien d’être écoutées, améliorées, discutées, critiquées. Une société tolérante est une société de débats permanents, de critiques et de controverses.

Le fait que la vie et l’évolution n’aient pas de finalité ne signifie pas que nous ne devions pas donner un sens à la nôtre et à celle de l’humanité. Rechercher la Lumière, c’est rechercher à voir.
Ne pas voir correspond à être dans l’obscurité, dans les ténèbres. Pour voir, il faut regarder et pour regarder il faut être vigilant.