A l‘occasion du 70ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la délégation permanente de l’Association Internationale de la Libre Pensée (AILP IAFT) auprès du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU tient à rappeler les faits suivants:

Considérant les articles 18 et 19 de la dite Déclaration Universelle,

«Article 18 : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…)
Article 19 : Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.»

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Au plan international, la Libre Pensée a toujours été extrêmement mobilisée face à toutes les atteintes à la liberté d’opinion et d’expression. A titre d’exemples :
– au Pakistan, le Dr Younus Shaikh, accusé de blasphème a été condamné à mort en 2001 avant de pouvoir se réfugier en Europe après une campagne internationale de solidarité. Il a passé plus de 3 ans dans le couloir de la mort.
– Au Nigeria, le militant humaniste et laïque Leo Igwe a plusieurs fois été arrêté et brutalisé par la police pour avoir défendu les personnes accusées de «sorcellerie».
– Au Pakistan, Asia Bibi, une mère de famille de 45 ans, chrétienne, est le 8 novembre 2010 condamnée à mort par pendaison après avoir été convaincue de blasphème. Et deux hommes politiques qui la soutenaient ont été assassinés pour cela.
– En Arabie Saoudite, le blogueur Raif Badawi est condamné en deuxième instance en juin 2013 à 7 ans de prison, 600 coups de fouet et 1 million de rials d’amende, pour «insulte à l’Islam».
– En Inde, Gauri Lankesh, une célèbre journaliste, figure de la lutte du rationalisme contre le système des castes a été assassinée par balles le 6 septembre 2017, par un commando qui s’est présenté à son domicile de Bangalore, capitale du Karnataka.
– Au Bangla Desh, Shahjahan Bachchu, éditeur âgé de 55 ans et figure rationaliste de la lutte pour la laïcité et la liberté d’expression, a été assassiné par balles le 10 juin 2018, par un commando de motards dans le village de Kakaldi (district de Munshiganj).

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La délégation permanente de l’Association Internationale de la Libre Pensée (AILP-IAFT) au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU rappelle :
– En novembre 2012, à l’initiative du Bureau Européen de coordination de la Libre Pensée (BECLP), 55 associations laïques, humanistes, athées et de Libre Pensée de toute l’Europe s’étaient publiquement adressées à l’Union Européenne qui, par l’intermédiaire de sa Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Ashton, avait décidé de signer un communiqué avec l’Organisation de la Conférence Islamique, le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes et le Président de la Commission de l’Union africaine, communiqué qui disait : “Nous croyons en l’importance de respecter tous les prophètes, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent.”

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La délégation de l’AILP-IAFT se félicite donc
– de l’abrogation, par referendum le vendredi 26 octobre 2018 et par 64,85 % des voix, de l’article 40.6.1 de la Constitution de la République d’Irlande qui punissait de 25.000 euros d’amende tout outrage fait à la religion en stipulant : «Le fait de rendre public ou de proférer tout propos blasphématoire, séditieux ou indécent est un délit punissable selon la loi»
Rappelons que cette disposition datant de 1937, avait été confirmée et amplifiée par l’adoption de la loi sur la diffamation entrée en vigueur le 1er janvier 2010.
Comme le relevait à l’époque Michael Nugent, responsable d’Atheist Ireland et membre du Conseil international de l’AILP-IAFT : “Les lois religieuses médiévales n’ont aucune place dans une république moderne et laïque où les lois devraient protéger les gens et non les idées”.
– Elle rappelle que ce n’est que le 2 juin 2017 que le Royaume du Danemark abrogeait le délit de blasphème. L’article 140 du code pénal danois sur le blasphème prévoyait une peine maximum de quatre mois de prison pour « celui qui, publiquement, insulte ou tourne en dérision la doctrine ou le culte d’une communauté religieuse légalement reconnue».
– Elle relève que ce n’est que le 8 mai 2008 que disparaissait ce «délit», par un amendement à l’initiative du Dr Evan Harris, Membre du Parlement, au projet de loi sur la justice et l’immigration présenté par le gouvernement, adopté par le Parlement du Royaume-Uni.
Après 140 ans de combat inlassable, la National Secular Society, la société de Libre Pensée en Grande-Bretagne, obtenait l’abolition de cette loi moyenâgeuse ainsi décrite par Keith Porteous Wood, directeur exécutif de la NSS et porte parole de l’AILP-IAFT :

«Le crime et le délit de blasphème existent en Grande-Bretagne et au Pays de Galles depuis plus de 300 ans en tant qu’offense de droit coutumier (c’est-à-dire un crime qui n’a pas été défini par le Parlement et qui ne figure pas dans le Livre des Lois mais qui fut inventé et développé par les juges).»

La délégation AILP tient également à rappeler :

  • qu’une loi de 1930 interdit le blasphème en Norvège.
  • qu’en Islande, la loi existante sur le «blasphème», qui date de 1940 est partie intégrante du Code pénal (Parliament Law n°19/1940-article 125)
  • qu’en Finlande, la section 10, chapitre 17 du Code pénal punit de réclusion quiconque «aura publiquement blasphémé Dieu».
  • que l’article 251 du Code pénal du Portugal de 1995 stipule : “Celui qui raille publiquement ou vilipende un acte de culte religieux sera puni d’un an de prison maximum et d’une amende”.

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Pour non exhaustives qu’elles soient, ces législations encore en vigueur, 70 années après l’adoption de la Déclaration Universelle, indiquent dans ambiguïté que si des pas en avant ont été réalisés dans l’obtention pleine et entière des libertés démocratiques, de longs et pénibles efforts seront encore nécessaires avant que la tâche des authentiques défenseurs des Droits de l’Homme ne soit achevée.

La délégation AILP,
Besson Philippe – Eyschen Christian – Godicheau Michel – Gozlan David –Laubary-Besson Christine – Lepeix Roger – Midavaine Sylvie

Paris, le 22 novembre 2018