Discours d’ouverture de Christian Eyschen du 7éme Congrès de l’AILP
Chers amis,
Chers camarades,
Il me revient le redoutable privilège d’ouvrir ce 7éme Congrès de l’Association internationale de la Libre Pensée.
Tout d’abord, je voudrais tous vous remercier d’être présents, venus parfois de si loin, venus de tous les continents pour participer à ce grand moment de fraternité dans la Libre Pensée.
Bienvenue à Paris, ville lumière, ville des Lumières. La lumière, c’est bien sûr celle de la Tour Eiffel que vous avez trouvé, sous un format réduit dans votre sacoche du Congrès. C’est un peu de Paris que vous ramènerez chez vous. Ce monument qui fut construit pour le temps d’une exposition universelle de 1889, dure depuis 128 ans et est devenue le symbole de Paris et plus largement de la France.
Construite par des mains d’ouvriers, elle est un symbole laïque du génie humain et est presqu’autant visitée que la cathédrale Notre-Dame de Paris qui a été aussi construite avec la sueur et le talent d’autres ouvriers à une autre époque.
Bernard de Castera dans son ouvrage sur le compagnonnage disait : « Ce qui nous reste des civilisations disparues, c’est ce qu’elles ont fait : les monuments que les peuples ont bâti, les statues que les tailleurs de pierre ont sculptées, les poteries que les mains ont façonnées. En un mot, ce qui nous reste, c’est le travail des ouvriers ; et nous devinons les pensées invisibles des peuples à travers les œuvres visibles que nous a léguées l’activité de leurs mains.
Ce qui nous reste, ce sont aussi les outils, à partir desquels nous pouvons retracer l’activité et le mode de vie des hommes, leur culture, en un mot. Car la culture des hommes est d’abord celle de leur activité ouvrière – inséparable, d’ailleurs, de l’activité sacrée qui se déploie autour des étapes marquantes de la vie humaine : naissance, puberté, mariage, et bien sûr, la mort. L’activité ouvrière depuis les origines est inséparable du sacré. La culture ouvrière est une culture sacrée…
La Charte des Compagnons du devoir donne pour l’initiation les étapes suivantes : « Par la conscience du métier, le Compagnonnage mène à celle de l’homme, et par la conscience de l’homme, à celle de la Cité. Du chef d’œuvre, il atteint à la notion d’élite, et de la notion d’élite, celle d’ordre civique. »
Paris est aussi ville des Lumières. Il suffit de se promener pour le voir. Il y aura en marge de ce congrès deux promenades éducatives, l’une sur les traces de Thomas Payne grâce au talent de notre ami Margaret Downey venus tout exprès des USA pour cela et une autre dans le Montmartre laïque avec notre camarade Jean-Marc Schiappa, Président de l’Institut de Recherche et d’Etude sur la Libre Pensée.
Il suffit de se promener à Paris pour y découvrir les statues de Diderot, Voltaire, Thomas Jefferson, Condorcet, Benjamin Franklin, par exemple. Vous marcherez sur les traces d’Helvétius, Etienne Dolet, Michel Servet, Maximilien Robespierre.
Paris a toujours été une ville de révolte et de progrès, du Moyen Âge à la Révolution française, de 1848 à la Commune de Paris. C’est la ville ou fut votée les grandes lois de la République et nos chères lois laïques instituant l’Ecole publique laïque et la Séparation des Eglises et de l’Etat.
C’est aussi la ville de l’union du mouvement démocratique et du mouvement ouvrier, arrachant une à une les conquêtes sociales. A l’heure où les tenants de la finance et de l’exploitation entendent faire tourner la roue de l’Histoire à l’envers, le pavé parisien résonne encore et résonnera de plus en plus de la colère du Paris populaire.
C’est donc un honneur pour Paris de recevoir le 7éme Congrès de l’AILP. Que de chemin parcouru depuis Oslo le 10 août 2011 où nous avons constitué l’Association internationale de la Libre Pensée ! Oslo, Mar del Plata, Conception, Montevido, Londres, Quito et maintenant Paris.
L’Association internationale de la Libre Pensée est devenue une véritable Internationale de la Libre Pensée, s’appuyant sur tout l’héritage de nos ainés et des Internationales précédentes.
Notre Association internationale s’inscrit dans la continuité de toutes les Internationales de la Libre Pensée qui ont existé depuis 1880. La Libre Pensée, comme la laïcité, est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu. Elle vit dans la conscience de toutes celles et de tous ceux qui veulent conduire leur propre destinée sans se soumettre à une quelconque volonté divine, qui n’est toujours que le masque de l’oppression.
A travers l’Histoire, et à cause des vicissitudes de l’Histoire, il y a eu plusieurs Internationales de la Libre Pensée qui se sont succédé dans le temps et parfois concurrencées dans le même temps. Le chemin de la conscience humaine pour se libérer n’a jamais été un long fleuve tranquille.
L’Histoire amène toujours tout le monde à se positionner face aux évènements et aux tâches que celle-ci pose comme dans un grand livre ouvert devant l’Humanité. C’est à elle, et à elle seule, de remplir les pages de sa destinée : l’émancipation de l’Humanité sera l’œuvre de l’Humanité elle-même. Il ne saurait y avoir de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun.
Face à des évènements considérables, les libres penseurs des différents pays ont pu apporter des réponses parfois différentes, mais toujours axées sur la pleine et entière liberté de conscience à conquérir ou à préserver.
L’Histoire internationale de la Libre Pensée est, comme la vie de chacun, faite de rencontres et de séparations, car, fort heureusement, tout le monde ne pense pas la même chose. Mais il existe un socle commun à tous et de tout temps : la volonté de voir le monde débarrassé du cléricalisme, de la religion et de l’oppression. En un mot comme en cent, ce qui fonde l’action des libres penseurs, c’est la liberté qui guide les peuples sur le chemin de leur émancipation.
Une leçon peut être tirée de tous ces évènements : la division et la séparation viennent toujours quand on introduit des éléments extérieurs au sein de la Libre Pensée afin d’y faire des clivages pour des raisons qui trouvent leur origine dans des éléments étrangers à la Libre Pensée.
Si l’on s’écarte des principes généraux de la Libre Pensée, qui se veut « sociale, démocratique et laïque » comme l’a affirmé le grand Congrès international de Rome en 1904, prélude au vote de la loi française de Séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, si on ne se tient pas à égale distance de toutes les religions et de toutes les oppressions, alors est introduit le germe de la discorde.
La Libre Pensée considère que toutes les religions, du judaïsme en passant par le christianisme et l’hindouisme jusqu’à l’Islam, sont des fauteurs de guerre, de réaction, de barbarie et de recul de la civilisation. Elle ne fait aucune distinction dans son refus de l’intolérance et du dogmatisme. Il suffit de voir la dramatique actualité des attentats et des assassinats sur tous les continents. La religion tue, les religions tuent et nous les considérons toujours comme les pires obstacles à l’émancipation humaine.
Au cours de ce congrès nous débattrons l’état des trois campagnes de l’AILP sur les crimes des Eglises, le financement public des religions et le combat pour la Séparation des Eglises et de l’Etat. Nous étudierons aussi l’action pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, le droit de mourir dans la dignité et pour la défense de la science.
A l’heure où de la Turquie musulmane à la Pologne catholique en passant par des Etats protestants des USA, il semble que Darwin et son enseignement doivent devenir à nouveau des proscrits, il est plus que nécessaire que les libres penseurs s’unissent et ne se laissent pas diviser par des querelles subalternes. C’est notre responsabilité devant la conscience humaine.
C’est pourquoi l’AILP ne peut que se féliciter de l’existence de la Déclaration internationale d’associations de tous les pays belligérants de la Première Guerre mondiale pour la réhabilitation des milliers de Fusillés pour l’exemple. De nombreuses organisations de Libre Pensée ont contresigné cette Déclaration, qui honore la conscience humaine, celle que ne pliera jamais sous le boisseau de la barbarie et de l’horreur de la guerre.
Il est aussi significatif à cet égard que notre Appel international pour le non-financement public des religions, lancé à Montevideo, est reçu aussi les signatures de près d’une centaine d’associations de tous les continents. L’aspiration à la Séparation des religions et des Etats est une aspiration universelle.
Pour terminer, je voudrais remercier tous les intervenants pour le travail qu’ils font fournir dans ces trois jours intensifs de Congrès. Je remercie aussi vivement tous les représentants des associations internationales, représentant toutes les sensibilités du monde laïque, libre penseur, humaniste, athée, et des sceptiques, rationalistes et a-dogmatiques, qui sont présents et qui vont prendre la parole.
Incontestablement, quelque chose va naître à Paris et qui comptera pour longtemps.
Je déclare ouvert les travaux du 7éme Congrès de l’Association internationale de la Libre Pensée.
Bons travaux à tous.
Christian Eyschen, Porte-parole de l’AILP
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