David Silverman (É-U)
président, American Atheists

Traduction française : Jaque Parisien

Mesdames et Messieurs, Bonjour !

La lutte acharnée menée par American Atheists contre la religion institutionnalisée et ses répercussions, parfois néfastes, sur les non-croyants aux États-Unis dure depuis 1963. Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis et je suis enchanté d’être ici aujourd’hui afin de vous mettre à jour au sujet des avancées extraordinaires de la libre pensée en Amérique.

En effet, le mot phare en ce moment est « progrès », car nous avons tellement progressé que nous pouvons dorénavant envisager l’athéisme en Amérique comme étant un fait acceptable et normal. Or, et peut-être le saviez-vous, la séparation de l’État et de l’Église existe bel et bien aux États-Unis, et ce, malgré l’indifférence, voire l’ignorance des autorités et d’une majorité du peuple américain à cet égard. Encore hier, la discrimination contre les athées sévissait partout, comme l’avaient constamment démontré de multiples sondages dont les résultats révélaient que les athées étaient considérés comme les moins dignes de confiance, les moins éthiques et les moins aptes à remporter une élection. Les athées avaient toujours été condamnés pour leur discours et démonisés pour leur pensée.

Mesdames et Messieurs, je suis fier de vous annoncer que cette situation est en train de changer et que notre engagement et notre patience commencent à porter fruits. En effet, des sondages récents indiquent clairement que plus de la moitié des Américains voteraient pour un athée lors d’élections et, fait plus notable encore, c’est dans la tranche d’âge des 30 ans et moins, qui représentent environ 70% des répondants, que se manifeste cette tendance ; et de ce nombre 30% déclare ouvertement n’avoir aucune croyance religieuse. Ce qui laisse supposer que la jeunesse est en train de prendre ses distances par rapport à la bigoterie et le monolithisme des plus vieux.

Et il y plus encore. Comme vous le savez, les dernières élections américaines nous invitaient à faire des choix importants, pour élire un président, certes, mais aussi pour élire des représentants au niveau du congrès, du sénat ou encore pour voter des initiatives de toutes sortes. Pour la première fois, les chrétiens ne pouvaient miser sur un représentant qu’ils jugeaient digne d’être des leurs. Obama, un chrétien, était de loin trop libéral à leurs yeux ; quant à Romney, c’était un Mormon, donc pas question d’élire un représentant d’une « secte » à la tête du pays. Mesdames et Messieurs, quel plaisir ce fut de voir la droite chrétienne s’entredéchirer et se fracturer. Rien au monde à cet instant ne me serait apparu plus beau.

Rajoutons que les Américains ont élu un bouddhiste, un hindou, un bisexuel et même si la réélection d’un athée ne s’est pas concrétisée, il suffit de souligner que ce n’est pas son athéisme qui est responsable de sa défaite. De surcroit, le mariage homosexuel était soumis aux votes dans 4 états différents et a été entériné sans problème. Ailleurs, des représentants du mouvement anti-avortement ont été défaits et l’appui à l’idée de mourir dans la dignité a connu une croissance sans précédent.

En Floride, un amendement, nommé Religious Freedom Amendment, suscitait des prises de position opposée de part et d’autre. En effet, la droite religieuse poussait dans le sens d’un financement des églises et des écoles à vocation religieuse, loi qui allait donc à l’encontre de la constitution. En réponse à cette proposition, American Atheists a organisé des manifestations durant lesquelles des orateurs et des musiciens ont pris la parole et chanté leur désaccord. L’amendement a été battu le jour des élections.

Oui, force est de constater que l’Amérique vient d’imposer un échec cuisant à la droite religieuse. Cet effort a été mené par les jeunes et les autres qui nous ont écoutés.

Dans une même veine, Amercian Atheists avait réussi, en 2002, à réunir 2,500 manifestants lors d’un rassemblement. En 2010, je me suis proposé de coordonner les différents groupes athées afin de dépasser ce nombre et, mieux encore, de dépasser le nombre de 4,000 manifestants attendus à Melbourne, en Australie, pour le congrès mondial athée. C’est à ce moment qu’est né le Reason Rally, dont le but ultime était d’envoyer un message clair aux autorités et au pays tout entier signifiant que, dorénavant, les athées devraient être pris en compte et feraient entendre leur voix. Bref, seule dame nature pouvait empêcher ou nuire à ce projet de rassemblement populaire.

Inutile de vous dire que les sombres prévisions météo prévues pour le jour de l’évènement ont jeté un nuage sur mon espoir : j’ai craint la débâcle. Deux années de planification et de travail risquaient de tomber à l’eau, littéralement. Le jour de l’évènement, ils étaient non pas 2,500, non pas 4,000, non pas les 10,000 dont nous rêvions, mais bel et bien 30,000, équipés de leur poncho et de leur parapluie. Le succès qu’a rencontré l’évènement avait dépassé et de loin nos plus folles espérances de participation. Pour la première fois, les athées américains avaient rangé leurs différents, s’étaient unis pour une cause commune. Nous avions prouvé que nous pouvions nous coordonner et ne former qu’une seule voix forte : la presse nous a entendus, les politiciens nous ont entendus, mais, plus important encore, les autres athées nous ont entendus.

Mesdames et Messieurs, je suis ici aujourd’hui pour vous transmettre un message d’espoir : ça marche. Les Athées sont de plus en plus visibles : 20% des Américains affirment n’avoir aucune religion ; les athées représentent le groupe dont la croissance numérique est la plus grande, et ce, dans tous les cinquante états. Ça marche. La bigoterie s’estompe et l’influence religieuse dans les décisions politiques accuse un recul. Ça marche. De plus en plus d’athées sortent du placard pour se retrouver avec des semblables là où, au contraire, ils croyaient se retrouver parmi des ennemis. Ça marche. Nous le ressentons, c’est dans l’air du temps, le militantisme fonctionne. Mais nous devons poursuivre notre lutte, ne jamais oublier l’ère des George W. Bush, Jerry Falwell et Pat Robertson., ne serait-ce que pour nous rappeler combien nous avons cheminé depuis, et ce, grâce au militantisme.

Enfin, même si nous avons encore beacuoup de chemin à faire, même s’il nous reste encore énormément de besogne à abattre, le changement est palpable. On peut sans doute affirmer que la lumière de la raison pointe finalement au bout du tunnel des ténèbres de la religion.

Merci.