Cet article est paru en anglais et en français sur le site FREETHINKER

Jean-Luc Romero-Michel est Président d’honneur de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD)

Depuis le début des années 2000, alors que les Pays-Bas et la Belgique avaient déjà légiféré, la France n’a cessé de relancer d’ininterrompus débats sur la fin de vie.

Trois lois de 2005 à 2016, trois lois faites principalement par le même député, un cardiologue opposé à l’euthanasie, et qui un jour prétendit même que sa loi était un modèle dans le monde. En terme, d’autosatisfaction, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Lequel médecin, opposé à l’euthanasie, avouait dans un grand magazine, en 2008, avoir « arrêté des respirateurs pour libérer des lits. »

C’est l’affaire Vincent Humbert, du nom d’un jeune pompier qui, à la suite d’un accident de voiture, se retrouve enfermé dans son corps n’ayant plus qu’un doigt pour communiquer, qui va lancer médiatiquement le débat sur la fin de vie en France. Par l’intermédiaire de sa maman, il va demander au président de la République, Jacques Chirac, le droit de mourir dans la dignité. Ce qui lui sera refusé.

Il sera finalement libéré de son corps devenu une prison par sa mère puis par son médecin.

Cette affaire va provoquer une immense émotion dans la population française. Elle est la première de nombreuses autres. Et le débat sur la fin de vie sera ininterrompu jusqu’à ce jour.

La France a donc adopté ses trois lois sur la fin de vie en 2005, 2010 et 2016. Ces législations ont d’abord donné des garanties aux médecins et ont permis de reconnaître les directives anticipées même, si tout en étant contraignantes, elles ne sont toujours pas opposables. Le médecin peut toujours décider de ne pas les respecter en cas d’urgence vitale ou si elles sont manifestement inappropriées, ce qui, en droit français, ne veut rien dire…

Dés 2005, si l’euthanasie et le suicide assisté ont été totalement écartés de la loi par le législateur et les gouvernements de droite et de gauche successifs, la sédation terminale est devenue une possibilité. Finalement, elle a été redéfinie et limitée à l’agonie. Depuis 2016, la sédation profonde et continue jusqu’à la mort est devenue la seule possibilité d’arrêter des souffrances ou des douleurs inutiles, insupportables et inapaisables.

Si cette sédation peut être réellement une solution pour des personnes très âgées ou totalement affaiblies, elle devient un acte médical cruel quand elle dure deux ou trois semaines, ce qui est malheureusement encore trop souvent le cas en France.

Car, en effet, pour laisser dormir avant de mourir, comme l’énonce avec un peu de naïveté Jean Leonetti, l’artisan des lois de 2005, 2010 et 2016 – mais aussi, extraordinaire, l’évaluateur de ses propres lois ! – il faut arrêter d’alimenter et d’hydrater la personne et donc provoquer une maladie pour que les reins soient atteints et que la mort s’en suive enfin ! Et, tout reste en fait sous le contrôle du médecin qui peut accélérer ou non la sédation… D’autant que sous le coup de cette forme de sédation, lente, aucune étude ne prouve que le patient ne souffre pas ; ce qui est certain, c’est que l’entourage, dont les soignants, au premier rang desquels les infirmiers, souffrent de cette lente agonie.

Les responsables politiques ont du mal à comprendre que notre mort puisse nous appartenir et ont toujours suivi ces médecins qui souhaitent médicaliser la mort et en garder, seuls, le contrôle.

Mais, à force d’affaires et de débats médiatiques, les élus ont enfin admis qu’il fallait changer de logique et mettre la personne mourante au centre des décisions. Que ce soit elle qui décide ou sa personne de confiance.

Rassemblement de protestation pour le droit de mourir dans la dignité (photo ADMD)

Sous la précédente mandature, l’Assemblée nationale a failli adopter une proposition de loi du député Olivier Falorni légalisant l’aide active à mourir. Pour la première fois, il y avait une large majorité pour le faire mais le gouvernement n’a pas souhaité permettre à ce texte d’aller au bout du chemin législatif. Cependant, pendant la campagne présidentielle, le candidat Macron, réélu président, s’est engagé à lancer un débat citoyen et s’est même prononcé en faveur du modèle belge.

Cet engagement est en passe d’être tenu.

Le conseil consultatif national d’éthique a rendu un avis à l’automne 2022 permettant d’avancer vers une loi qui autoriserait l’euthanasie et le président de la République a annoncé la tenue d’une convention citoyenne à partir du mois de décembre 2022. Elle sera placée sous le contrôle du Conseil économique, social et environnemental.

Une évaluation de la dernière loi de 2016 dite Leonetti-Claeys sera faite par l’Assemblée nationale pour janvier 2023.

Enfin, un débat sera organisé partout dans le pays. Ce sera notamment l’occasion pour les militantes et les militants de l’ultime liberté de démontrer qu’une loi sur l’aide active à mourir est une possibilité donnée à chacune et chacun. Et non une obligation comme certains voudraient le faire croire.

Il s’agit de défendre aujourd’hui une loi qui respecte strictement la volonté du mourant. Cette loi doit reposer sur ses deux jambes : d’une part, l’accès universel aux soins palliatifs et d’autre part, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.

Cette loi sera fidèle à notre triptyque républicain, Liberté, Égalité, Fraternité qui s’étend sur toutes nos édifices officiels !

Liberté de vivre le plus longtemps possible pour celles et ceux dont c’est le vœu. Liberté de conscience des soignants qui ne seront, jamais obligés d’accompagner une euthanasie grâce à une clause de conscience. Liberté enfin de celles et de ceux qui n’en peuvent plus car il n’existe aucun principe, dans une démocratie laïque, qui vous oblige à mourir le plus tard possible, notamment dans la douleur et la souffrance.

Égalité devant la mort. Certes 100% d’entre nous allons mourir même s’il semble que certains politiques ne s’en rendent pas compte, mais nous ne mourons pas dans les mêmes conditions. Si vous avez des relations ou des moyens, vous arriverez à mourir à l’étranger, en Belgique ou en Suisse. Mais aller en Suisse, ce sont plus de 10 000 euros qu’il faut réunir. L’immense majorité des Français n’ont pas cette somme. C’est comme quand l’avortement était interdit en France jusque 1975, les femmes devaient fuir à l’étranger. Celles qui n’en avaient pas les moyens se donnaient aux faiseuses d’anges et certaines en mouraient. Comme aujourd’hui, on pousse en France les seniors et les personnes très malades à se suicider violemment faute de leur garantir une fin de vie sereine et digne.

Fraternité enfin, car on ne peut soulager toutes les douleurs physiques et toutes les souffrances psychiques. Que dire à des personnes qui ont des douleurs réfractaires ? Agonisez dans la souffrance !!!

En conclusion, la loi que nous voulons pour la France permettra enfin à chacune et à chacun de maîtriser sa fin de vie.

Une société qui donne ce droit ultime s’élève. La France renouera alors avec sa vocation de pays exemplaire pour le respect des droits humains fondamentaux… Vivement 2023 !

Categories: Divers