Association Internationale de Libre Pensée
13 avril 2012

Mesdames, messieurs, chers amis, chers camarades,

Je pense que tout le monde a parfaitement conscience de l’importance de notre initiative. Dans un monde perpétuellement en guerre, dans un pays qui l’a vécu dans sa chair et dans son sang, qui a souffert, nous sommes venus ici parler de laïcité.

Soyons clairs, c’est de la paix dont nous allons parler. Nous ne portons pas les germes de la discorde, mais, au contraire, nous voulons tendre les rameaux de la concorde.

Tout d’abord je voudrais remercier vivement et publiquement notre ami, mon ami Georges Saad, sans qui ce colloque n’aurait pas été possible. Merci Georges, vraiment merci.

L’Association Internationale de la Libre Pensée n’est en guerre contre personne. Au poing tendu, vengeur et vindicatif, elle tend toujours la main à l’Humanité pour former une chaîne d’union universelle.

Un de nos grands écrivains français, profondément laïque et libre penseur, Anatole France disait à propos de la guerre : « On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour les industriels ». C’est un fait et c’est un drame, les peuples sont souvent assassinés pour des causes et des intérêts qui ne sont pas les leurs.

Un des vôtres, l’illustre Amin Maalouf a aussi écrit : « Lorsque l’esprit des hommes te paraîtra étroit, dis-toi que la terre est vaste. N’hésite jamais à t’éloigner, au-delà de toutes les mers, au-delà de toutes les frontières, de toutes les patries, de toutes les croyances ».

Il rajoutait : « Lorsque la foi devient haineuse, bénis soient ceux qui doutent ! » et encore : « La parole du sage s’écoule dans la clarté. Mais de tout temps les hommes ont préféré boire l’eau qui jaillit des grottes les plus obscures. »

Comment ne pas se rassasier de ces paroles : « Blancs minarets de Gammarth, nobles débris de Carthage, c’est à leur ombre que me guette l’oubli, c’est vers eux que dérive ma vie après tant de naufrages. Le sac de Rome après le châtiment du Caire, le feu de Tombouctou après la chute de Grenade : est-ce le malheur qui m’appelle, ou bien est-ce moi qui appelle le malheur ? »

J’aurai l’occasion de le dire demain, les libres penseurs ne sont pas venus en missionnaires, apporter, à leur tour, une vérité révélée. Ils sont des frères venus voir d’autres frères. Ils sont des humains venus voir d’autres humains. C’est la Libre pensée qui veut débattre avec la pensée libre qui a su, si souvent trouver refuge, dans cette contrée.

Nous ne représentons aucune puissance coloniale, nostalgique d’un passé qui n’aurait pas du être. Un peuple libre ne saurait opprimer un autre peuple. Un grand révolutionnaire français, Maximilien de Robespierre l’avait prédit : « Les peuples n’aiment pas les missionnaires armés. »

Sur ce sujet, nous citerons une dernière fois Amin Maalouf, tellement nous partageons son point de vue : « Contrairement à l’idée reçue, la faute séculaire des puissances européennes n’est pas d’avoir voulu imposer leurs valeurs au reste du monde, mais très exactement l’inverse : d’avoir constamment renoncé à respecter leurs propres valeurs dans leurs rapports avec les peuples dominés. Tant qu’on n’aura pas levé cette équivoque, on courra le risque de retomber dans les mêmes travers.

La première de ces valeurs, c’est l’universalité, à savoir que l’humanité est une. Diverse, mais une. De ce fait, c’est une faute impardonnable que de transiger sur les principes fondamentaux sous l’éternel prétexte que les autres ne seraient pas prêts à les adopter. Il n’y a pas des droits de l’homme pour l’Europe, et d’autres droits de l’homme pour l’Afrique, l’Asie, ou pour le monde musulman. Aucun peuple sur terre n’est fait pour l’esclavage, pour la tyrannie, pour l’arbitraire, pour l’ignorance, pour l’obscurantisme, ni pour l’asservissement des femmes. Chaque fois que l’on néglige cette vérité de base, on trahit l’humanité, et on se trahit soi-même. »

Comment mieux dire que la laïcité est un message universel, parce que la liberté est universelle. Parce que la démocratie doit être le bien partagé par tous les peuples, dans tous les pays, sur tous les continents.

C’est de cela dont nous voulons débattre ensemble pendant ces deux jours.

Ici, la parole sera libre, totalement libre. Personne n’est obligé d’accepter un point de vue qui n’est pas le sien. C’est aussi cela la laïcité.

Je vous remercie.